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Un médecin burundais mérite mieux que 30 dollars par mois…

Personne ne s’imagine qu’avec un doctorat en médecine, on se retrouve au chômage, ou à galérer avec un salaire de misère. Pourtant…

«S’il y a une faculté qui permet de ne pas se soucier du manque d’emploi à la fin, c’est bel et bien la médecine!», se disait Dieudonné. On est en 2008, il vient de terminer ses études secondaires et choisit la médecine, avec l’assurance que «devenir médecin est une garantie de vie meilleure».

Et voilà notre ami qui débarque dans la très prisée fac’ de médecine. «Je vais peut-être peiner pendant mes années d’études mais après je vais me régaler», se dit-il. D’ailleurs, les années de médecine sont pour lui comme une partie de plaisir. Il a aussi la passion pour cet «art de guérir» et il réussit avec brio. Début 2018, dix ans après son rêve, de l’eau a coulé sous les ponts. La situation n’est plus la même. Le ministère de la Santé ne va pas engager de nouveaux médecins. Ils leur disent qu’«il y aura juste des remplacements pour les postes vacants, soit des médecins partis à la retraite, soit ceux partis pour des formations ou du travail à l’extérieur, soit des décès quand cela arrive », se rappelle notre docteur. Dans ce cas, les chances d’être embauché par l’État sont  minimes.

Et voilà donc tous les espoirs du jeune médecin douchés. Dieudonné fait partie des quelque 200 nouveaux médecins qui sortent chaque année des trois écoles de médecine du Burundi. Pourtant, on ne cesse de dire qu’il y a manque de médecins dans les hôpitaux : 0,1 médecin seulement pour 10000 habitants en 2018. Mais où vont-ils alors?

Débrouillardise

Les plus chanceux sont engagés dans les hôpitaux privés de Bujumbura ou autres cliniques ici et là. Il y a ceux qui choisissent d’aller tenter leur chance dans d’autres pays. Et d’autres, comme Dieudonné, qui se tournent vers de petits centres de provinces. Aujourd’hui, il travaille dans un centre de santé de la province Bubanza. Et contrairement à la fac, ce n’est plus une partie de plaisir et c’est loin de ce qu’il avait imaginé dix ans plus tôt. Mauvaise paie, conditions de travail frisant parfois la limite du professionnellement acceptable…sans oublier  qu’il est obligé de faire tous les jours le trajet Bujumbura-Bubanza car ne pouvant pas s’installer là sans contrat de travail. Et son salaire, n’en parlons même pas! «L’argent qu’on me donne couvre juste mes déplacements et ma ration du jour. Je n’avais jamais imaginé vivre ça après sept ans de médecine!», confie-t-il non sans un brin de regret.

Quid de ceux engagés par l’État ?

Le salaire de base d’un médecin généraliste engagé par l’État est d’environ…30 dollars américains, 77 512 FBU pour être précis!  Quant au salaire net, il est calculé en fonction des primes et indemnités qui varient en fonction de l’endroit où le médecin travaille. «Imaginez-vous faire sept ans (et plus) de médecine et se retrouver à errer dans la rue sans travail ou encore, si la chance vous sourit, savoir que ton salaire de base est moins de trente dollars le mois et que tout le reste repose sur des indemnités et des primes», s’offusque C.M., un autre jeune médecin.

Et là, c’est sans parler du travail colossal qui t’attend, et le poids de la société : un frère, une sœur, un cousin, etc. qui regardent tous le grand frère médecin en pensant, comme les autres, qu’«il n’y a pas plus nanti qu’un médecin». Du coup, poursuit le médecin, tu commences à te demander «dans quel bourbier tu t’es fourré!». Et l’on se demande encore pourquoi les médecins vont plus dans le privé ou encore vont voir à l’extérieur du pays? Et à notre ami de conclure : «Un bon médecin est un médecin bien portant, avec un bon niveau de vie pour pouvoir bien soigner les autres et non pas juste un médecin qui aura comme salaire, un  merci Docteur».

 

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