La ville de Bujumbura est menacée par des catastrophes naturelles. Des infrastructures tant publiques que privées ont déjà été emportées par des ravins et des glissements de terrain. La population est dans le désarroi.
Après des années de misère, Marie Ntihabose espérait enfin retrouver une maison qui pourrait l’abritait, elle et ses quatre enfants, mais en un rien de temps, le désespoir a remplacé sa joie.
Quatre mois après avoir emménagé dans sa nouvelle maison située sur la colline communément appelée Kuw’interekwa, sa maison commence à se fissurer. Fervente chrétienne, la veuve a prié pour que ces fissures ne s’aggravent pas mais sa prière n’a pas été exaucée. Des fissures qui s’agrandiront très vite jusqu’à causer l’écroulement de la nouvelle maison en moins de deux mois.
Tout comme Marie, les propriétaires de maisons sont dans le désarroi. Des dizaines de maisons se sont déjà écroulées, d’autres présentent des grandes fissures et risquent de s’écrouler. Certains ont déjà commencé à déménager, d’autres restent par manque d’où aller.
Des familles courent le danger de périr dans leurs maisons
Irresponsable. Sinon, comment qualifier autrement ce jeune chef de famille qui habite avec toute sa famille dans une maison à moitié détruite par les éboulements de terrain. Celle-ci, située en haut d’un grand ravin qui a déjà emporté des dizaines de maisons, attend le même sort.
Mais on finit par comprendre lorsque, Alice, mère de deux enfants et voisine, nous explique : «Une partie de ma maison s’est déjà écroulée. On a déménagé pour occuper le salon et la chambre des enfants. À chaque fois que nous entendons le vent, ou la pluie, nous sortons de la maison par peur de périr dedans. Nous n’avons nulle part ailleurs où aller sinon on aurait vidé les lieux».
Une situation « généralisée »
Dans le sud de la capitale économique, à Musaga, quartier kinanira II, un ravin ne cesse de s’agrandir à cause des eaux de pluie. Des habitants, proches de cet immense fossé, ont détruit leurs maisons pour conserver les matériaux de construction. Une église et deux maisons se sont déjà effondrées, et une école a perdu ses sanitaires.
Moise Bizimana, propriétaire d’une maison effondrée, demande le secours du gouvernement. «Ma maison a été emportée par ce ravin. Et si rien n’est fait la route menant vers Musaga est menacée».
Janvier dernier, un glissement de terrain a décimé une famille entière dans la commune Kanyosha, zone Muyira, dans la province de Bujumbura. Et si le destin a décidé d’emporter cette famille entière, d’autres familles risquent de subir le même sort.
L’administration dépassée
Le 26 mars dernier, une équipe, faite d’experts de la protection civile, du personnel des différents ministères et journalistes, a fait une descente sur terrain dans le nord de Bujumbura où le drame semble alarmant. Ils se sont accordés sur une chose : la population menacée doit être délocalisée d’urgence.
Le Commissaire de police Antoine Ntemako, directeur général de la Protection civile dit que ce qui est urgent, c’est de relocaliser la population menacée pour éviter le drame : « Dieu soit loué, il n’y a pas encore eu de dégâts humains. La protection civile va collaborer avec ses partenaires publics et privés pour trouver où loger les gens les plus exposés».
Des drames qu’on aurait pu éviter ?
Jean-Marie Sabushimike, géographe et professeur d’Université, soutient qu’il y a nécessité d’une étude approfondie sur les lieux, le sol et l’historique du terrain avant la construction. «Il faut savoir la prédisposition naturelle du terrain et ce qui adviendra après l’apport de l’homme. Certains terrains ne sont pas propices à la construction».
Sabushimike souligne aussi le problème de gestion des eaux pluviales suite aux constructions anarchiques. Cet expert prévient sur le danger imminent que courent certains ménages. « Avec la forte pluviométrie prévue en avril au niveau de la région, ces ménages risquent de subir le pire si rien n’est fait».
Il suggère qu’il y ait planification et prévention des risques (plan de contingence) avant de bâtir. «Il faut surtout éviter les constructions anarchiques, creuser les caniveaux et les routes dans les quartiers. Par exemple à voir ces constructions à Winterekwa, le drame était inévitable.»
Il déplore le fait que les constructeurs dévancent le service de l’urbanisme alors que ce dernier devrait les précéder : « Il devrait y avoir viabilisation d’abord, puis construction après ».