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Burundi : ma vie d’albinos

Selon un recensement de 2011 et les projections faites par l’association Albinos Sans Frontières, la communauté des albinos tournerait autour de 1236 membres. À quoi ressemble leur vie dans la société? Témoignage.

Jeudi matin, j’ai rendez-vous avec Claude. La rencontre va avoir lieu dans l’un des quartiers nord de la capitale Bujumbura. Comme convenu, à 8h, il est là à notre lieu de rencontre, sans une minute de retard. Il m’accueille de façon chaleureuse avec un esprit ouvert et on discute comme des gens qui se connaissent alors que c’est notre première rencontre. Mais derrière ce semblant de calme et cet esprit ouvert se cache un autre triste sentiment. «Nous vivons dans un sentiment d’insécurité permanente mêlé parfois avec un manque de confiance en nous», me dira mon nouvel ami. En effet, Claude fait partie de la communauté Albinos au Burundi, qui, selon un recensement de 2011 et les projections faites par Albinos Sans Frontières, tourne autour de 1236 membres. Et les propos et paroles à leur encontre ne sont pas reluisants.

Des surnoms comme «Nyamweru», «Nyamwema», qui au départ pointent du doigt la vraie condition physique des albinos, peuvent parfois prendre une connotation négative quand ils prennent un sens moqueur. Ne parlons pas des termes comme «iboro», «imari», qui les chosifient et les associent à des marchandises, ni des «igihume» (spectre) ou des gestes dégradants à leur égard (quelqu’un qui voit un albinos et qui imbibe ses doigts de salive avant de les secouer derrière lui en disant : que je n’aie jamais un tel enfant!) ; tout y passe, au grand malheur de cette communauté.

Peur

«Quand on m’appelle par des mots inappropriés ou quand j’entends des mots  comme iboro, ça réveille en moi un sentiment d’insécurité et de vulnérabilité»,  confie Claude, qui ajoute : «Ça me rappelle mes frères albinos qui ont été tués. Tout a commencé par des propos de telle sorte. Quand de tels mots résonnent encore dans mes oreilles, c’est comme si cette situation allait se répéter et que je suis peut-être le suivant sur la liste.»

Et de tels propos, Claude en entend à longueur de journée : «Il n’y a pas de journée qui passe sans que je fasse face aux agressions verbales de diverses natures, à moins que je reste chez moi. Ça va d’un mot qui m’est adressé à un geste dénigrant en passant par quelqu’un qui refuse de vous serrer la main ou de s’asseoir avec vous».

Culture de la violence

«Les propos de telle sorte qui étiquettent une catégorie de la population sous une connotation négative conduisent à l’exclusion sociale de cette catégorie», rappelle Aloys Toyi.

Ce docteur en sciences sociales poursuit : «Quand la société exclut de cette façon une partie d’elle-même, non seulement cela a un impact psychologique sur les personnes concernées mais aussi cette catégorie va s’exclure davantage, ce qui conduira à la perte de toutes ses qualités et potentiels dans la société.»

 

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