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EAC : quels sont les obstacles à la fédération politique ?

Dans son article 5, le traité d’établissement de la communauté de l’Afrique de l’Est prévoit une phase de création d’une fédération politique des États membres. Cette étape, est-elle possible ?  

Commençons par un petit rappel de quelques faits qui militent contre cette fédération.

De un. En raison des mauvaises relations entre le Burundi et le Rwanda, les Burundais ne sont pas autorisés depuis juillet 2017 à écouler leur production sur le marché rwandais. Or, l’union douanière suppose notamment la facilitation dans les procédures d’importation et d’exportation.  

De deux. Chacun des États membres utilise encore sa propre monnaie. Pourtant, l’union monétaire exige la création d’une monnaie commune. Celle-ci pour garantir une stabilité monétaire et éviter la variation répétitive des prix. Les fortes disparités entre les PIB/hab de différents pays membres – Kenya (1595 USD), la Tanzanie (936 USD), l’Ouganda (606 USD), le Rwanda (748 USD), le Burundi (292 USD) et 237 USD pour le Soudan du sud- ne favorisent pas la création de cette monnaie unique.  

De trois. La fédération politique au sein de la communauté de l’Afrique de l’Est est un idéal qui sera difficile à matérialiser. D’une part, les États membres ne cultivent pas de bonnes relations. D’un côté Kampala et Kigali et ce dernier avec Bujumbura de l’autre, ne sont pas au beau fixe et les chefs d’État en parlent vertement.

En outre, les différents pays membres ont encore un très long chemin à  faire pour atteindre une culture d’État de droit. Il est sans ignorer que sans le strict respect des lois et des institutions supranationales, c’est utopique d’imaginer  qu’une telle fédération puisse bien fonctionner.

Maintenant, qu’en est-il réellement ?

Un cadre au ministère à la présidence en charge des affaires de l’EAC affirme, sous anonymat, que la fédération politique au sein de la communauté des États de l’Afrique de l’Est, est envisagée en 2024.

L’intégration régionale suppose quatre piliers : «L’union douanière et le marché commun sont déjà effectifs. L’union monétaire est en cours. La fédération politique est la dernière phase et elle est déjà amorcée».   

De son côté, Pascal Niyonizigiye, universitaire burundais spécialiste des relations internationales, assure qu’une fédération politique est une étape très difficile à atteindre au sein de toute organisation économique régionale.

D’après lui, les États sont de nature tellement jaloux de leur souveraineté qu’ils n’acceptent pas de se soumettre à une même autorité supranationale.  

Il invoque la loi en science politique de Thomas Hobbes, philosophe et scientifique anglais, du 17ème siècle, considéré comme l’un des fondateurs de la philosophie politique moderne.

«Même l’Union Européenne, qui est l’organisation régionale la plus avancée dans le monde, est souvent qualifiée d’Objet Politique Non Identifié. Ceci pour dire qu’elle n’est pas encore une fédération politique même si le niveau d’intégration dans les domaines monétaires, économique, militaire, … est suffisamment avancé». Le cas du Brexit en est une illustration.  

Au sujet de l’EAC, le professeur Niyonizigiye fait savoir qu’il reste beaucoup d’étapes d’harmonisation entre les États membres avant la fédération politique. «Les finances, la gestion des propriétés foncières, les échanges commerciaux, etc.»

Pour rappel, la fédération politique doit être normalement précédée par une union douanière, un marché commun et une union monétaire. Le traité de l’établissement de cette communauté le prévoit d’ailleurs comme tel. Or, il sied de souligner qu’aucune de ces étapes n’a encore été effectivement concrétisée.

 

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