Radiée des organisations reconnues par le ministère de l’Intérieur, la Ligue Iteka aura à jamais marqué la société civile burundaise. Explications.
Deux ligues de défense des droits de l’Homme marquent le début de la société civile burundaise dans le début des années 90. La ligue Iteka et la Ligue Sonera, dont le noyau provenait de l’Université du Burundi. Ces deux organisations seront agréées le même jour, le 6 février 1991.
Je voudrais m’appesantir sur la ligue Iteka. Non seulement la plus connue dans l’opinion mais aussi la plus ancienne des organisations de la société civile.
Sa naissance sera influencée notamment par l’Association culturelle pour la promotion de la paix au Burundi (ACPB). Un véritable cercle des débats libres et indépendants.
Elle rassemble en son sein des gens de différentes idées. Des membres du parti Uprona, alors au pouvoir. Notamment Jean-Baptiste Manwangari, Dr André Birabuza, celui-ci en était d’ailleurs le président. Des futurs dirigeants du Frodebu, Melchior Ndadaye, Pontien Karibwami, Léonard Nyangoma,… également.
Des indépendants notamment Eugène Nindorera, c’est d’ailleurs sous la casquette de la société civile qu’il deviendra ministre des réformes institutionnelles dans le gouvernement du 2 août 1996.
Si l’ACPB joua un rôle important dans l’éclosion de la ligue Iteka, différentes sources disent en chœur qu’elle ne sera pas à l’origine de la décision ou de la suggestion de création de la Ligue Iteka.
Iteka et les évêques
Des restructurations importantes furent entreprises quand ce fut le moment d’avancer vers la ligue Iteka. Des évêques catholiques adhérèrent alors à l’idée de la création d’une ligue de défense des droits de l’Homme.
Messeigneurs Bernard Bududira du diocèse de Bururi et Simon Ntamwana, alors évêque de Bujumbura figurent parmi les 12 fondateurs. Ce dernier sera élu premier président de la ligue et Eugène Nindorera, vice-président.
L’évêque Ntamwana aurait démissionné sous l’instigation du Nonce apostolique avant l’agrément. Le représentant du Saint-siège disait «qu’il est hors de question que le président de la ligue soit un membre de l’église, car celle-ci doit jouer un rôle d’arbitre sans parti pris». La ligue Iteka par la suite sera agréée avec comme président Eugène Nindorera.
Aucun membre du parti au pouvoir d’alors n’en était membre. «À l’époque le Parti Uprona était parti unique. Pour préserver son indépendance des institutions du pouvoir, aucun membre de l’Uprona ne fut admis au sein de la ligue Iteka», souligne un ancien de l’ACPB et de la ligue Iteka.
Cependant, les autorités qui sortiront des élections de 1993 en étaient membres fondateurs. Notamment, Pontien Karibwami qui deviendra le président de l’Assemblée nationale. Melchior Ndadaye et Gilles Bimazubute qui deviendront respectivement Président de la République, vice-Président de l’Assemblée nationale et Jean-Marie Ngendahayo qui deviendra ministre de la Communication dans le gouvernement de Ndadaye.
La ligue Iteka, ancêtre des organisations de la société civile burundaise, restera à jamais dans les annales de la défense des droits de l’Homme au Burundi. Elle a le mérite d’avoir fédéré en son sein des religieux, des indépendants et les vainqueurs des élections démocratiques.