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POLITIQUE

L’unité nationale, cette Madame Bovary

Vingt-huit années après la signature de la charte de l’unité nationale au Burundi! De l’eau a coulé sous les ponts, mais pas que. Du sang et des larmes aussi. La si idéalisée unité nous reste ce que le grand amour était pour l’héroïne de Flaubert : une interminable quête.

«Elle se répétait : J’ai un amant! un amant! se délectant à cette idée comme à celle d’une autre puberté qui lui serait survenue. Elle allait donc posséder enfin ces joies de l’amour, cette fièvre du  bonheur dont elle avait désespéré», écrivait Gustave Flaubert, dans Madame Bovary.

Dans le couvent où elle a passé son enfance, Emma Rouault, que la postérité retiendra par Madame Bovary, s’était truffée de lectures romantiques. Elle s’était gavée de tous ces fantasmes qu’une âme qui se croit être une Virginie attendant son Paul peut se permettre. Un peu comme nous, bizarrement, ce beau mois de février 91, où, mains dans les mains nous chantions en chœur pour la première fois le bel hymne de l’Unité nationale, paume contre paume en signe  d’harmonie.

Pour sûr, les lendemains étaient meilleurs, pensions-nous. Finis les guerres, méfiances, régionalismes, népotismes. Nooon, nous allions vers le paradis sur terre, vers la terre promise où la fraternité est l’ADN de ceux qui y vivent!

Un amour aux allures de montagnes russes

Et un jour ban! Madame Bovary rencontre le grand amour. Lui, le tant rêvé, le tant désiré homme lui apparaît sous les traits de Charles. Qu’elle était comme nous quand pour la première fois, en 1993, nous avons voté dans une relative quiétude! Le «Burundi nouveau» était alors à portée des mains.

Mais ce que Madame Bovary attendait dans l’amour ne l’y trouva pas. Son sinistre constat, les mamours sans trêves, ce n’est que dans les romans. Et au pays de Ntare, trop tôt, quasiment trois mois après une passation de pouvoir civilisée, les lendemains déchantaient. Chez les «Unis», les machettes faisaient tomber les têtes et les canons tonnaient en portant le message de la mort. La lune de miel tournait en lune de fiel.

Emma, c’est le moins que l’on puisse dire, n’est pas du genre à jeter l’éponge dès la première déconvenue. Tout comme nous d’ailleurs. Cherchant partout la passion jusqu’à tutoyer l’infidélité avec le beau Rodolphe et l’attentionné Léon, chez nous, les tractations, accords, protocoles, toute une kyrielle de voies de sorties pour vivre cette unité nationale ont été essayées.

Au finish, elle laisse encore à désirer, elle fait de nous ces patients en qui les psychologues diagnostiqueraient le bovarysme. Notre chance est qu’elle ne se suicidera pas comme Emma Bovary à l’arsenic. Enfin, espérons…

 

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