Les États-Unis ont annoncé des sanctions ciblées contre des groupes armés et entreprises opérant dans l’est de la RDC, accusés de financer la violence par l’exploitation illégale de minerais. Le groupe rebelle PARECO-FF, des sociétés congolaises et deux firmes chinoises sont notamment visés. Washington entend assécher les circuits économiques qui alimentent l’instabilité régionale. Une réponse ferme à une économie de guerre profondément enracinée.
Ce mardi 12 août 2025, le département du trésor américain a annoncé un ensemble de sanctions économiques ciblées contre plusieurs acteurs impliqués dans l’exploitation et la commercialisation illégales de minerais en République démocratique du Congo (RDC). Ces sanctions, émises par l’Office of Foreign Assets Control (OFAC), visent à perturber les flux financiers qui soutiennent les groupes armés opérant dans les provinces déstabilisées de l’est du pays.
En ligne de mire : le groupe armé PARECO-FF, actif dans la région de Rubaya (Nord-Kivu), des entreprises congolaises soupçonnées de collusion avec les milices, ainsi que deux sociétés chinoises accusées de faciliter l’exportation de minerais extraits illégalement.
Cette décision marque une nouvelle étape dans la politique étrangère des États-Unis en Afrique centrale. Washington entend endiguer les sources de financement des groupes rebelles, responsables d’exactions contre les civils et de l’aggravation de la crise humanitaire dans la région.
L’est de la RDC, et plus particulièrement les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, reste en proie à des violences chroniques alimentées par des enjeux territoriaux, ethniques et économiques. L’expansion continue du Mouvement du 23 mars (M23), appuyé militairement par le Rwanda selon de multiples rapports de l’ONU, accentue la pression sur les populations locales. En réponse, des milices pro-Kinshasa comme le PARECO-FF ont émergé ou se sont renforcées, contribuant à un climat de guerre sans issue. C’est dans ce contexte que les États-Unis souhaitent agir sur un levier clé : le financement des milices par les minerais dits “de conflit”.
« Le commerce illégal des minerais finance les conflits, dévaste les populations civiles et empêche le développement économique de la RDC », déclare John K. Hurley, sous-secrétaire au Trésor en charge du renseignement financier.
Rubaya, centre névralgique d’un commerce sous contrôle armé
Le groupe armé PARECO-FF (Coalition des Patriotes Résistants Congolais – Force de Frappe), apparu en 2022, a rapidement pris pied dans la zone stratégique de Rubaya, réputée pour ses gisements de coltan, minerai essentiel à la fabrication d’appareils électroniques.
Entre 2022 et 2024, selon plusieurs rapports d’ONG et d’agences de renseignement, le groupe aurait mis en place une économie parallèle structurée, imposant une taxation forcée aux mineurs artisanaux, supervisant l’ensemble de la chaîne d’extraction, et orchestrant la contrebande à destination de circuits internationaux.
Mais au-delà de l’économie, la dimension humaine du conflit est alarmante. Des témoins font état de travail forcé, d’enrôlements de mineurs, de violences sexuelles systématiques et d’exécutions sommaires dans les zones contrôlées par le groupe.
L’OFAC accuse également le PARECO-FF d’avoir noué des alliances ponctuelles avec d’autres groupes armés, y compris le M23, malgré leur antagonisme déclaré. Ces alliances de circonstance, souvent motivées par le contrôle de sites miniers ou de routes stratégiques, contribuent à rendre le conflit encore plus imprévisible et difficile à démanteler.
La Coopérative des Artisanaux Miniers du Congo (CDMC), principale entité opérant sur la concession de Rubaya, est ainsi visée pour avoir acheté et revendu des minerais issus de zones sous contrôle armé. Cette structure, censée encadrer l’activité minière artisanale, est accusée d’avoir servi de courroie de transmission entre l’économie informelle locale et les marchés internationaux.
Les minerais extraits auraient ensuite transité par deux sociétés basées à Hong Kong : East Rise Corporation Limited et Star Dragon Corporation Limited. Ces entreprises sont accusées d’avoir blanchi l’origine des ressources, facilitant leur entrée dans la chaîne logistique mondiale, notamment dans les secteurs de l’électronique et de la téléphonie.
Selon un responsable du Trésor américain : « Ces entreprises permettent à des minerais extraits illégalement d’atteindre les marchés mondiaux, tout en finançant indirectement la violence armée. »
Blocage des avoirs et interdiction de transactions
Les sanctions décidées par l’OFAC impliquent le gel total des avoirs détenus aux États-Unis ou par des entités américaines ; l’interdiction de toute transaction financière ou commerciale avec les personnes ou structures sanctionnées ; des poursuites civiles ou pénales pour tout ressortissant américain ou entreprise qui violerait ces mesures.
Cependant, le Trésor souligne que les sanctions ne sont pas définitives : les entités ou individus concernés peuvent demander leur retrait de la liste en prouvant qu’ils ont cessé leurs activités illicites et coopéré avec les autorités.
À travers ces sanctions, Washington envoie un signal clair : le commerce international doit cesser de financer les violences dans l’est congolais. Si les États-Unis sont loin d’être les seuls acteurs impliqués dans la chaîne d’approvisionnement des minerais, leur poids financier et diplomatique peut créer un effet domino.
Ces mesures s’inscrivent également dans une volonté plus large de lutter contre la criminalité financière transnationale, en lien avec d’autres conflits dans le monde (Ukraine, Soudan, Myanmar, etc.), et de soutenir la transparence dans les chaînes d’approvisionnement critiques.
Gloire Kambale GT


