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Spécial Mapping: l’AFDL et l’APR ont tué jusqu’à 307 499 réfugiés installés dans les camps de Bukavu

Le rapport Mapping publié en août 2010 est accablant. Ce document concerne les violations “les plus graves” des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République Démocratique du Congo. Poursuivant son édition spéciale sur ce rapport Maping, Politico.cd vous révèle, outres multiples exactions commises par des éléments armés de l’AFDL (Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération) composés entre-autres de Banyamulenge/Tutsi, cités dans ce document, des militaires de l’APR (Armée Patriotique Rwandaise) et des FAB (Forces Armées Burundaises), une période assez difficile pour les territoires de Walungu et Kabare au Sud-Kivu, caractérisée par une poursuite “impitoyable” des réfugiés Hutu par les forces de l’AFDL/APR qui, plus tard, ont renversé le régime du Président Mobutu.

Des entretiens avec l’équipe Mapping en mai 2009 ont allégué que les éléments armés Banyamulenge/Tutsi, mais aussi des militaires de l’APR et des FAB se sont, en août 1996, infiltrés au Sud-Kivu, plus principalement dans les camps de réfugiés situés dans les territoires de Walungu, Kabare et Kalehe, communément appelés “les camps de Bukavu.”

Le Haut commissariat pour les réfugiés (HCR) estimait le nombre de réfugiés à 307 499 personnes, reparties entre 26 camps: Kamanyola, Izirangabo, Karabangira, Nyangezi, Nyantende, Muku et Mushweshwe au sud de Bukavu, Bideka, Chimanga (Burhale), Bulonge (un camp non reconnu par le HCR), Nyamirangwe et Chabarhabe à l’ouest de la ville, Panzi, Nyakavogo, Mudaka/Murhala, INERA [Institut national pour l’étude et la recherche agronomique], ADI-Kivu [Action pour le développement intégré au Kivu], Kashusha, Katana, Kalehe, Kabira, au nord de Bukavu et Chondo, Chayo, Bugarula, Maugwere et Karama sur l’île d’Idjwi. Au cours de leur progression vers Bukavu, ces troupes composées de l’AFDL/APR ont détruit les camps de fortune construits par les réfugiés rescapés des massacres commis dans la plaine de la Ruzizi (territoire d’Uvira) et à l’ouest de la ville de Bukavu. À partir du village de Nyantende, les troupes de l’AFDL/APR se sont divisées en deux groupes, rapporte l’équipe Mapping. Un premier groupe a poursuivi en direction de Bukavu en passant par Buhanga, Mushweshwe, Comuhini, Chabarhabe, Ciriri et Lwakabirhi; un autre a pris la direction de Walungu-centre en passant par Muku, Cidaho et Cidodobo.

L’Équipe Mapping affirme avoir documenté les incidents allégués suivants :

  • Le 20 octobre 1996, des éléments de l’AFDL/APR en provenance de Bwegera et de la ville rwandaise de Bugarama ont attaqué le camp de réfugiés de Kamanyola, dans le territoire de Walungu, tuant un nombre indéterminé de réfugiés et de civils zaïrois. Les militaires ont ensuite jeté les corps des victimes dans les latrines du camp.
  • Le 21 octobre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont tué un nombre indéterminé de réfugiés au niveau de Nyarubale, dans les collines de Kalunga, à 2 kilomètres de Kamanyola. Fuyant l’attaque contre leur camp de Kamanyola, ces réfugiés tentaient de rejoindre Bukavu. Certains ont été surpris pendant qu’ils se reposaient et d’autres ont été interceptés par des militaires au niveau des barrières érigées le long des routes. Les personnes répondant aux saluts en swahili des militaires avec un accent rwandais ou burundais étaient systématiquement exécutées. Les corps des victimes ont ensuite été enterrés par la population locale.

Le HCR souligne cependant qu’à partir du 22 octobre 1996, devant l’avancée des troupes de l’AFDL/APR, les réfugiés des camps de Nyangezi et Nyantende ont commencé à fuir en direction de Bukavu. Le 26 octobre 1996, les militaires ont lancé des attaques contre les camps situés au sud et à l’ouest de la ville de Bukavu. Dans la plupart des cas, les réfugiés avaient déjà quitté les camps avant l’arrivée des militaires pour fuir en direction des camps de Kashusha, INERA et ADI-Kivu (au nord de Bukavu) et Chimanga (à l’ouest de Bukavu en direction de Shabunda).

À cette même date, des militaires de l’AFDL/APR ont incendié le camp déjà abandonné de Muku, à 10 kilomètres de Bukavu dans le territoire de Walungu.

L’Équipe Mapping a documenté les
incidents allégués suivants :

  • Le 26 octobre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont tué plusieurs centaines de réfugiés en fuite le long des axes reliant Nyantende à Walungu-centre et Nyantende à Bukavu. Les victimes venaient pour la plupart du territoire d’Uvira et de la plaine de la Ruzizi. Elles ont été tuées par balles, à coups de baïonnette ou sous l’effet d’éclats d’obus. Les militaires ont incendié la plupart des sites où se trouvaient les réfugiés. La majorité des victimes étaient des femmes, des enfants et des personnes âgées.
    Selon les témoignages recueillis par l’équipe Mapping, les militaires ont tué entre 200 et 600 personnes. Les corps des victimes ont été enterrés sur place par la population locale.
  • À la date du 28 octobre 1996, des éléments de l’AFDL/APR en provenance de Nyangezi ont tué cinq réfugiés dans le village de Lwakabiri, situé à 30 kilomètres à l’ouest de Bukavu. Ces opérations se sont soldées par la prise imminente de la ville de Bukavu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu.

Après la prise de Bukavu le 29 octobre 1996, les troupes de l’AFDL/APR ont continué leurs opérations contre les camps situés au nord de la ville. Dans ce contexte, l’Équipe Mapping dit avoir documenté les incidents allégués suivants :

  • Le 2 novembre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont attaqué à l’arme lourde le camp de Kashusha/INERA dans le territoire de Kabare, tuant des centaines de réfugiés. Débordés, les FAZ (Forces Armées Zaïroises) du Contingent Zaïrois pour la Sécurité des Camps (CZSC) ont pris la fuite, suivies par une partie des réfugiés. Au cours de la même attaque, les militaires de l’AFDL/APR ont tiré de façon indiscriminée sur les FAZ, les ex-FAR/Interahamwe et les réfugiés.
  • Aux alentours du 22 novembre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont tué plusieurs centaines de réfugiés dans le camp de Chimanga situé à 71 kilomètres à l’ouest de Bukavu. À leur arrivée dans le camp, les militaires ont demandé aux réfugiés de se rassembler afin d’assister à une réunion.
    Les militaires leur ont ensuite promis d’abattre une vache et de leur donner la viande afin qu’ils puissent reprendre des forces et rentrer dans de bonnes conditions au Rwanda. Ils ont ensuite commencé à enregistrer les réfugiés en les regroupant par préfecture d’origine. À un moment cependant, un coup de sifflet a retenti et les militaires positionnés tout autour du camp ont ouvert le feu sur les réfugiés. Selon les différentes sources citées par le HCR, entre 500 et 800 réfugiés ont ainsi été tués.
  • En janvier 1997, des éléments de l’AFDL/APR ont tué au moins trente réfugiés rwandais et burundais, pour la plupart à l’arme blanche sur la route Bukavu-Walungu, à environ 16 kilomètres de la ville de Bukavu. Les victimes avaient été arrêtées dans le cadre d’une opération de ratissage. Avant de tuer ces victimes les militaires les ont souvent torturées et mutilées.

En dehors de Walungu et Kabare, des exactions meurtrières sur des réfugiés se sont poursuivies dans d’autres territoires du Sud-Kivu. L’équipe Mapping souligne tout de même que des camps de réfugiés situés le long de la frontière avec le Rwanda et le Burundi ont été utilisés comme d’arrière-bases et des camps d’entraînement militaire. Politico.cd vous plongera dans la suite des événements.

Serge SINDANI | POLITICO.CD

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