Le «oui» à la nouvelle Constitution en Tunisie l’a emporté à une ample majorité, de « 92 à 93% », selon l’institut Sigma Conseil, sur la base d’un sondage à la sortie des urnes. Le taux de participation est de 27,5%, selon le chiffre officiel provisoire. L’opposition avait appelé au boycott. L’instance électorale Isie a annoncé un taux de participation provisoire de 27,5%. Les premiers résultats officiels devraient être connus ce mardi.
Avec notre envoyée spéciale à Tunis, Magali Lagrange
Klaxons, drapeaux tunisiens, des groupes de plusieurs dizaines de personnes… L’avenue Bourguiba, à Tunis, s’est quelque peu animée à la clôture des bureaux de vote, lundi soir à 22h locales. Ils n’auront pas attendu les résultats officiels pour crier victoire. L’instance électorale tunisienne (Isie) a annoncé un taux de participation de 27,5%, soit près de 2,5 millions d’électeurs, un chiffre jugé très respectable par le président de l’Isie, mais encore provisoire. « Les électeurs étaient au rendez-vous avec l’Histoire », a estimé Farouk Bouasker.
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Le dépouillement est en cours, il faudra ensuite compiler les chiffres. Un institut, Sigma Conseil, a estimé sur la base d’un sondage à la sortie des urnes, que la victoire du « oui » dépasse les 90% pour ce projet de changement constitutionnel qui renforce nettement les pouvoirs du président Kaïs Saïed, un an jour pour jour après la suspension du Parlement et le limogeage du chef du gouvernement Hichem Mechichi. Le taux de participation avoisine lui les 28%. Dans un pays qui traverse une crise économique et qui enregistre un taux de chômage de près de 40% chez les jeunes, les préoccupations des Tunisiens peuvent être ailleurs que dans la politique.
Comme eux, certains électeurs rencontrés dans les bureaux de vote de la capitale, dans la journée, étaient convaincus. Mme Bari, retraitée, est rentrée de Djerba pour voter.
« Avec les dix années qu’on a passées, c’était tellement infernal pour nous… Et puis, on pense à nos enfants. S’il y a quelque chose à sauver, on va sauver quelque chose. » Cet autre électeur, lui, a hésité à glisser son bulletin dans l’urne : « Je vous assure, un quart d’heure avant, je n’étais pas sûr de venir. Je suis venu parce que j’ai peur de ce qu’il s’est passé durant ces dernières années. Je ne suis pas convaincu par tout ce qu’il se passe, côté opposition comme présidentiel. »
Sa femme et l’un de ses trois fils ont préféré s’abstenir, comme ce chauffeur de taxi qui, dans sa voiture jaune, montre un index sans trace d’encre. « Si on défait tout tous les dix ans, que va-t-il se passer ? », s’interroge-t-il.
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« Qu’on ne reste pas dans la misère »
À Ettadhamen, en banlieue populaire de Tunis où s’est rendue notre correspondante Oumeïma Nechi, Gamra Hassen a voté très tôt en faveur de la nouvelle Constitution. Cette septuagénaire rêve de lendemains meilleurs pour la Tunisie : « J’espère qu’ils vont réparer le pays. Qu’ils remettent de l’ordre, qu’on ne reste pas dans la misère comme cela. » Elle espère que le président Kaïs Saïed aura plus de pouvoir pour lutter contre le chômage et les inégalités : « La vie est devenue plus difficile. Ces dix dernières années, nous sommes fatigués, vraiment fatigués. »
Khelifa lui est venu voter pour une nouvelle Constitution qu’il n’a pas lue, mais ce retraité voulait soutenir un chef de l’État qu’il juge propre : « C’est très important, c’est une bonne chose ce référendum. J’espère que la Tunisie en ressortira meilleure. »
À l’inverse, beaucoup de jeunes, eux, ont préféré boycotter un processus référendaire qu’ils jugent arbitraire. C’est le cas de Sarah, 27 ans, pour qui il s’agit seulement d’un scrutin plébiscitaire sans garantie d’indépendance : « Qui va garantir que mon bulletin « non » ne se transforme pas en « oui » ? » Elle s’oppose à cette Constitution qu’elle juge inquiétante pour les libertés et qui ferait basculer le pays dans un régime hyper présidentiel : « Moi je préfère qu’il y ait un boycott. De toute façon le nombre d’électeurs n’est pas représentatif et ne l’a jamais été. Et on verra après et on va résister. »
La Constitution devrait entrer en vigueur si une majorité de oui l’emporte, quel que soit le taux de participation.