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Histoire

Les intellectuels français face à la guerre d’Algérie

« Historien de vocation et de métier, j’ai combattu la guerre d’Algérie », a écrit Pierre Vidal-Naquet. L’historien ne fut pas le seul à livrer ce combat-là. Les huit années de guerre ont vu se constituer en France une véritable résistance intellectuelle aux atrocités perpétrées par les militaires tricolores en Algérie. Cette mobilisation a réuni, par-delà leurs affiliations politiques, quelques-unes des plus grandes figures de l’intelligentsia française de l’époque. 

Les Algériens célèbrent, ce 5 juillet, le soixantième anniversaire de leur indépendance, une indépendance remportée de haute lutte contre la France coloniale. L’accession de l’Algérie à la souveraineté ce jour-là en 1962 marque la fin de 132 années de colonisation française et huit années de guerre de libération.

Sur la rive algérienne de la Méditerranée, les manuels d’histoire évoquent le courage, l’abnégation, les sacrifices des résistants du Front de libération nationale (FLN), omettant de rappeler la résistance de nombre de Français aux atrocités de la guerre coloniale menée par l’armée tricolore. C’était l’honneur de la France sous la guerre d’Algérie d’avoir compté dans ses rangs des humanistes et des anticolonialistes convaincus, qui eux aussi durent braver la censure, la prison et la torture, et militèrent pour le droit des Algériens à l’indépendance. « La mobilisation des intellectuels français contre la torture et leur engagement aux côtés des Algériens à travers des réseaux d’entraide ont sans doute accéléré le processus d’accession à l’indépendance, notamment en internationalisant le conflit », souligne Catherine Simon, ancienne correspondante du Monde à Alger et auteure d’une enquête remarquable sur l’Algérie post-coloniale (1).

François Mauriac (1885-1970), prix Nobel de littérature 1952.
François Mauriac (1885-1970), prix Nobel de littérature 1952. © Editions Perrin

Peu de gens savent, en effet, qu’en arguant que les militaires français en Algérie étaient en train de ronger « l’âme de la France », les François Mauriac, les Jean-Paul Sartre et les autres Raymond Aron avaient réussi à attirer l’attention d’un jeune et bouillant sénateur américain, encore peu connu du grand public à l’époque. Élu président des États-Unis en 1960, celui-ci qui n’était autre que John Fitzgerald Kennedy s’engagea à couper l’aide militaire à la France, si la guerre devait se poursuivre en Algérie. Ce n’est peut-être pas un hasard si les premières négociations entre Algériens et Français qui conduiront aux accords d’Evian, se sont déroulées dès 1961.

« Notre Gestapo d’Algérie »

La guerre d’Algérie a commencé dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954 par une série d’attentats et de sabotages commis en une trentaine de points du territoire algérien. Ces attentats étaient revendiqués par un groupuscule algérien jusque-là inconnu, le FLN. C’est le début d’un engrenage tragique qui va entraîner Paris progressivement dans une politique de répression à tout-va, allant de la torture aux exécutions sommaires, en passant par des « bombardements de villages » et d’autres punitions collectives.

Dans les rédactions parisiennes, on a su très vite, quasiment dès le début de la guerre, que la torture était employée en Algérie à grande échelle. Les premiers articles paraissent dans la presse métropolitaine dès 1955, dénonçant ces pratiques. Dans les colonnes de France observateur, le journaliste Claude Bourdet publie en janvier 1955 une tribune à charge intitulée « Notre Gestapo d’Algérie ». Dans son célèbre « Bloc-Notes » dans L’Express, François Mauriac avait recours au même parallélisme pour dire tout le mal qu’il pensait des gouvernements socialistes successifs qui envoyaient les jeunes soldats sur place pour perpétrer les basses besognes.

Si les premières révélations sur la mise en place à travers l’Algérie de « véritables laboratoires de torture, avec baignoire électrique et tout ce qu’il faut… » laissaient insensible l’opinion publique française, nourrie depuis les bancs d’école par l’idéologie coloniale de « l’Algérie, c’est la France », les intellectuels vivent le conflit comme une nouvelle affaire Dreyfus. Rapidement, ils se saisissent des formes d’intervention popularisées par l’Affaire telles que tracts, libelles, témoignages, manifestes, pétitions, articles de presses pour sensibiliser l’opinion aux procédés employés par les militaires en Algérie, « qui relèvent du nazisme ».

« La Question »

Il faut dire que dans la décennie encadrant la guerre d’Algérie, le souvenir de la barbarie nazie était encore tout frais dans les esprits. Ce n’est sans doute...   

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