Alors que la pénurie de saisonniers inquiète en France à la veille des vacances d’été, un syndicat du secteur hôtelier a fait savoir il y a quelques jours, que la piste du recrutement de personnels en provenance de pays étrangers était en étude. Le Maroc et la Tunisie ont d’ores et déjà été cités comme pays pouvant pourvoir aux besoins des recruteurs français. Cette annonce a créé un vent d’espoir de l’autre côté de la Méditerranée.
avec notre correspondante à Tunis, Amira Souilem
« Les membres du jury… à table s’il vous plaît !... » L’ambiance est électrique à l’Institut des Hautes Etudes Touristiques, école d’hôtellerie installée dans la banlieue de Tunis. Les plus grands chefs du pays se sont réunis pour choisir le candidat qui représentera le pays à un concours de couscous qui doit se tenir en Italie dans quelques semaines.
Dans le public, Majd, 23 ans, étudiant-cuisinier qui se voit déjà saisonnier en France où en mai dernier, l’Union des Métiers des Industries de l’Hôtellerie a proposé au gouvernement de recruter 4 000 saisonniers tunisiens. Majd n’attend qu’une chose : que le partenariat entre la France et la Tunisie soit officiellement signé. L’Umih veut signer en juin à Tunis cet accord qui mettra en relation l’Aneti, l’agence tunisienne pour l’emploi, et les entreprises françaises souhaitant recruter des saisonniers tunisiens payés selon les grilles de salaires de la branche hôtellerie-restauration en France. « Tout le monde sait que l’art culinaire est né en France et on rêve tous d’améliorer notre technicité en travaillant en France. Si je vais en France, rêve Majd, je profiterais de chaque heure pour apprendre un maximum de choses. Je sais que c’est dur d’y arriver, mais mon rêve serait de travailler pour un établissement étoilé. »
Les contrats en question ne devraient pas dépasser les cinq mois. Malgré des volumes horaires importants, le salaire n’excédera pas le SMIC. Pas de quoi décourager les candidats tunisiens, bien au contraire.
Zied Baklouti, camarade de promo de Majd, a lui aussi très envie de tenter l’aventure. « Même s’ils ne nous embauchent qu’un mois ça sera génial. Même une seule semaine ! Cela laisse le temps de montrer ce que tu sais faire. Et quand l’employeur va voir de quoi tu es capable, il ne va pas vouloir te lâcher, il va vouloir te garder dans son équipe ! »
Ce partenariat s’il se confirme serait une aubaine pour Zied et Majd qui souhaitent appliquer en Tunisie ce qu’ils auront appris en France.
D’autres rêvent déjà d’une nouvelle vie de l’autre côté de la Méditerranée. Mais il est aussi des réactions plus nuancées car l’éventuel recrutement de personnel tunisien pour répondre au manque de main-d’œuvre en France crée des inquiétudes.
« La Tunisie aussi a besoin de bras »
Mais certains, comme le chef Rafik Tlatli, membre de l’Association tunisienne des Professionnels de l’Art culinaire, craignent que ces possibles départs déséquilibrent le marché de l’emploi tunisien. « Personnellement, je souhaite le meilleur aux Tunisiens qui feront le choix d’aller travailler en France mais cela ne doit pas faire oublier que la Tunisie aussi a besoin de bras. Nos hôtels aussi ont besoin de main d’œuvre. Nos hôtels ont rouvert ici aussi. Nous avons la même problématique qu’en France ici en Tunisie.
►À écouter aussi : le spleen de Sousse, privée de touristes par la pandémie
Pendant les deux ans de Covid, le personnel qui travaillait dans l’industrie du tourisme a fait le choix ici de faire autre chose que son métier d’origine et maintenant la Tunisie a, également, des besoins de personnel. J’ai peur que cet accord avec la France n’ait des conséquences négatives pour nous. J’ai peur que la qualité du service ou encore de la nourriture s’en ressente. Quelle sera la solution si les gens partent ? Faire venir du personnel de pays africains? Pourquoi pas. Cela va décaler le problème. Les Tunisiens partent en France et nous on fera venir du personnel de pays africains, pourquoi pas… Maintenant la question qui se posera sera celle de la langue parce que ces gens là ne parlent pas arabe mais français. On verra, je m’avance beaucoup mais j’espère qu’on n’aura pas à en arriver là. »