En Guinée, des poursuites viennent d’être annoncées contre l’ex-chef d’État Alpha Condé et 26 hauts responsables de son régime. La Justice leur reproche la répression violente du mouvement anti-troisième mandat qui a fait des dizaines de morts et de blessés. C’est une plainte du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) qui est à l’origine de cette procédure. L’organisation a été le fer de lance de la contestation. Après avoir connu l’impunité, les victimes pourraient enfin avancer dans leur quête de justice.
De notre correspondant à Conakry,
Il a fallu trois semaines après la chute d’Alpha Condé, pour que l’espoir revienne parmi les victimes. « Lorsque la junte a pris le pouvoir, ils sont venus au cimetière ici… », raconte Boubacar Sidy Baldé, l’un des coordinateurs du FNDC, le Front national pour la défense de la Constitution, dans la zone de Bambeto.
C’est au cimetière de Bambeto, au milieu des quartiers contestataires, que des dizaines de jeunes ont été enterrés. « Ils ont vu, ils savent ce qui s’est passé. Vraiment, ils ont demandé pardon. Il faut que la justice soit faite. C’est ce que nous demandons, la justice, rien que la justice », martèle Boubacar Sidy Baldé. Puis il ajoute : « De près ou de loin, chaque famille a été touchée. Ce sont les blessures, les morts, même les viols… », énumère-t-il.
Même s’il reste prudent, il se dit soulagé. Il veut faire condamner l’assassin de son frère mort en 2020. « La balle a traversé le dos et est passée par la poitrine. Il est tombé dans la cour. Ici, on mène des enquêtes. Non seulement on connaît le pick-up qui était garé à côté, là-bas, mais on connaît aussi les policiers qui étaient dedans », dit Boubacar Sidy Baldé.
« Depuis ce jour […] je n’ai pas retrouvé la santé »
En mars 2022, dans la cour d’une petite maison, une femme observe, de ses yeux baignés de larmes, les journalistes en face d’elle. Le FNDC a invité les victimes du régime Alpha Condé pour faire le point sur le dossier des crimes de sang. L’organisation vient alors de déposer plainte contre l’ancien président.
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« En fait, on m’a tiré dessus par arme à feu le 14 novembre 2019 sur l’autoroute Fidel-Castro », explique Mamadou, 24 ans. Il a été blessé par des gendarmes sur l’un des grands axes qui traversent Conakry. « Nous étions sur une manifestation contre le troisième mandat… » Il soulève son t-shirt, dévoilant des cicatrices boursouflées. Une peau lisse et brillante comme du plastique.
« Depuis ce jour-là et jusqu’à présent, ça ne va pas chez moi. Je n’ai pas retrouvé la santé. Je ne peux pas travailler, je suis couché à la maison », raconte-t-il. Mamadou demande « des soins gratuits. [Il a] dépensé beaucoup d’argent depuis 2019 jusqu’à maintenant. » Il estime qu’il a dû débourser plus de 5 000 euros.
Toujours pas de solution en vue pour les blessés de la répression et pour les victimes d’avant 2019, la justice continue de se faire attendre. La procédure ne concerne jusqu’à présent que le mouvement de contestation anti-troisième mandat.