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L’international ivoirien Sylvain Gbohouo, suspendu pour dopage, se sent bien seul

Ivory Coast goalkeeper Guelassiongnon Gbohouo reacts after Namibia's Joslin Kamatuka scoring his side's opening goal during the African Cup of Nations group D soccer match between Namibia and Ivory Coast in 30 June Stadium in Cairo, Egypt, Monday, July 1, 2019. (AP Photo/Hassan Ammar)
Sylvain Gbohouo, gardien de but de la Côte d’Ivoire, champion d’Afrique en 2015, a été suspendu par la FIFA en décembre dernier après avoir été testé positif à la trimétazidine. On lui avait prescrit du Vastarel pour soigner une mauvaise circulation du sang au niveau de l’œil droit. Selon le médecin du sport français Jean-Pierre de Mondenard, la trimétazidine n’aurait absolument rien d’un produit dopant. Ce que conteste le docteur Olivier Rabin, directeur scientifique de l’Agence mondiale antidopage (AMA). Sylvain Gbohouo, qui n’a plus de perspective, risque quatre années de suspension.

« J’ai fait confiance aux médecins de la sélection qui n’ont visiblement pas fait leur boulot. Ils auraient dû contrôler ce qu’ils m’ont prescrit à l’hôpital (un ophtalmologiste lui a demandé de prendre du Vastarel, ndlr). Ils devaient savoir si cela était bon ou pas en cas de contrôle antidopage », nous raconte avec amertume Sylvain Gbohouo.

« Voilà cinq mois que cette affaire traîne »

Sylvain Gbohouo, 33 ans, a fait un examen de la vision en mars 2021 et l’ophtalmologiste lui a diagnostiqué une mauvaise circulation du sang dans l’œil droit. « En ce qui me concerne, je ne ressentais aucun symptôme. Voilà cinq mois que cette affaire traîne et j’attends toujours la décision finale. Je n’ai plus aucune nouvelle de la fédération. Comme il y a eu des élections, j’espère que le nouveau président (Idriss Diallo a été élu samedi 23 avril à la tête de la Fédération ivoirienne de football (FIF), NDLR) va essayer de comprendre ce qui s’est passé et m’aider à sortir de cette situation », dit-il d’un ton posé.

Comme la sélection, le club éthiopien du Wolkite City FC est aussi resté muet. Sylvain Gbohouo, qui n’a pas pu disputer la dernière CAN au Cameroun se sent seul et abandonné. Quelques coéquipiers de la sélection ont tout de même pris de ses nouvelles. Sa prime de qualification à la CAN ne lui a jamais été versée. Il espère aujourd’hui que les membres de la FIFA auront écouté sa version du 27 avril dernier, et estimeront qu’il n’est pas coupable de ce contrôle positif. « Je sais que d’après le règlement, je suis responsable des médicaments que je prends. Mon objectif aujourd’hui, c’est de retrouver les terrains de foot le plus vite possible », espère-t-il.

Produit dopant: la liste de l’AMA ne peut être contestée

« Le code mondial antidopage dit qu’une substance peut être classée dopante sur la base de trois critères : l’augmentation de la performance ou le potentiel d’augmentation de la performance, le risque potentiel pour la santé et la violation de l’esprit du sport. Il faut qu’au moins deux des trois critères soient remplis pour qu’une substance soit classée comme dopante, explique en préambule Olivier Rabin. Le code mondial antidopage dit aussi que lorsqu’une substance est sur la liste, elle ne peut pas être contestée. L’athlète et son entourage devaient savoir que la trimétazidine est une molécule interdite puisqu’elle est dans la liste de l’AMA. Nous édictons des règles, et nous les distribuons très largement auprès des Fédérations sportives, des agences nationales antidopage et des gouvernements. La liste est rendue publique au plus tard le 1er octobre de chaque année pour une entrée en vigueur le 1er janvier de l’année suivante. »

Une étude russe publiée en janvier 2020 dans l’Asian Journal of Sports Medicine relevait « un manque de preuves » à l’appui de l’interdiction par l’AMA de la trimétazidine comme du meldonium, du xénon ou du cobalt. « L’opinion d’experts peut être subjective ou biaisée, et a donc une faible valeur probante », estimaient les auteurs, exhortant l’AMA à « publier les données », dont elle dispose pour renforcer « la confiance de la communauté sportive ».

Pour rappel, le 16 novembre 2021, la Côte d’Ivoire a affronté le Cameroun à Douala, dans le cadre de la dernière journée des éliminatoires de la prochaine Coupe du monde. Le tirage au sort avait désigné Sylvain Gbohouo pour prendre part au test antidopage. Des traces de trimétazidine ont été détectées dans l’urine du portier ivoirien. Début janvier, la Fédération ivoirienne de football a confirmé la suspension du portier, champion d’Afrique en 2015, devenu le gardien titulaire après le Mondial 2014, en lieu et place de Boubacar Barry Copa.

Le gardien Sylvain Gbohouo s'incline avec la Côte d'Ivoire devant le Gabon en qualifications du Mondial-2018, le 5 septembre 2017 à Bouaké
Le gardien Sylvain Gbohouo s’incline avec la Côte d’Ivoire devant le Gabon en qualifications du Mondial-2018, le 5 septembre 2017 à Bouaké AFP

Un raté au niveau de la communication de la FIF

« J’ai été informé du résultat lundi 27 décembre: il y avait des traces de molécule dans ses urines. Nous avons fourni l’ordonnance, les médecins de la fédération ont contacté le médecin qui a fourni la preuve de l’ordonnance. Le joueur n’a plus pris de médicament depuis mars 2021 », avait commenté l’ancien sélectionneur Patrice Beaumelle.

Le mail de la FIFA est arrivé le 22 décembre à la fédération et Sylvain Gbohouo n’a été prévenu que le 28. Pourquoi un tel retard dans la communication ? Son échantillon B aurait pu être analysé, mais la fédération ne l’a pas tenu informé dans les 48 heures pour demander la contre-expertise. Un regret énorme pour Sylvain Gbohouo. 

Sylvain Gbohouo a arrêté son traitement en avril 2021, après l’avoir suivi pendant un mois et demi. Il ressentait « des tremblements au niveau des mains » et sentait venir des « troubles cardiaques ». Le pharmacien et toxicologue Pascal Kintz avait évoqué de « nombreux effets secondaires de type parkinsoniens » qui ne semblaient pas « être de nature à favoriser un usage chez les sportifs », soulignait-il dans la revue Toxicologie Analytique et Clinique, évoquant même des risques de « troubles de la marche », « risque de chute » et « d’hallucinations ». Inimaginable pour un gardien de but professionnel.

« La trimétazidine ne ferait pas avancer plus vite un escargot »

Pour Jean-Pierre de Mondenard, médecin du sport et grand spécialiste du dopage, interrogé par RFI, le Vastarel, médicament utilisé afin de prévenir les angines de poitrine, mais aussi pour les cas de vertiges ou de baisses de l’acuité visuelle, n’a rien d’un produit dopant: « la trimétazidine ne ferait pas avancer plus vite un escargot ». Olivier Rabin, lui, indique que la trimétazidine peut améliorer le métabolisme cardiaque au moment de l’effort. « C’est la raison pour laquelle cette substance est interdite chez les sportifs. Et en plus, ce n’est pas une pastille Valda. C’est tout de même un médicament donné pour les angines de poitrine. Ce n’est pas anodin », fait-il valoir.

Pour Jean-Pierre de Mondenard, il ne peut y avoir de traces de cette molécule dans le corps au-delà d’une semaine. « J’aurais plutôt tendance à être d’accord. Cette substance a une vie relativement courte dans l’organisme. Mais je ne juge pas le cas cité que je ne connais pas », répond Olivier Rabin.

Cette histoire rappelle celle du lutteur français Zelimkhan Khadjiev, contrôlé positif en 2019 pour la même molécule et suspendu pour quatre ans. Jean-Pierre de Mondenard indique que le pharmacien qui a vendu sans ordonnance ce médicament à Khadjiev, ce qui est interdit (en France, le médicament ne peut être prescrit que par un cardiologue, NDLR), ne devait pas engendrer de contrôle positif. Puisqu’à l’époque, selon Jean-Pierre de Mondenard, la notice ne mettait pas en garde les sportifs en cas de contrôle antidopage, une obligation depuis 1989 suite à une directive du ministère de la Santé en France. « Il faut demander aux autorités compétentes, nous n’avons pas le contrôle sur les notices. C’est au laboratoire pharmaceutique de connaître la réglementation en cours. Je le répète, le médicament est sur la liste des produits dopants et doit être connu de tous », insiste Olivier Rabin.

« Dans ces histoires, le sportif prend quatre années de suspension quand personne d’autre n’est inquiété. Ce n’est pas normal. Surtout pour un produit qui est d’une inefficacité totale en termes de dopage », s’insurge Jean-Pierre de Mondenard. « Des médecins ont été mis en cause pour avoir donné des substances interdites. Ce n’est pas toujours seulement l’athlète qui est sanctionné », fait valoir de son côté Olivier Rabin. Aujourd’hui, Sylvain Gbohouo risque de ne plus jamais enfiler les gants de gardien de but.

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