Ce 12 mai se tient un sommet virtuel sur la pandémie de Covid, co-présidé par les Etats-Unis, l’Allemagne qui est actuellement à la tête du G7, l’Indonésie à la tête du G20, le Sénégal à la tête de l’Union africaine et le Belize, à la tête de la Caricom (pays des Caraïbes). Il s’agit de la deuxième rencontre de ce genre. La première avait eu lieu en septembre dernier à l’initiative du président américain Joe Biden, et le renforcement de la vaccination dans le monde était l’un des sujets phares. Au programme de cette session : la vaccination toujours mais aussi la mise en place de moyens pour sortir de la phase aiguë de la pandémie ; car celle-ci n’est pas terminée, même si à l’échelle de la planète elle reflue. Le point sur la situation.
La pandémie régresse particulièrement en Europe. Le virus, en l’occurrence des sous-lignages d’Omicron -BA.1 et surtout BA.2-, continue de circuler activement mais à un niveau bien inférieur à ce qu’il a pu être il y a quelques semaines ; et de nombreux pays ont allégé les restrictions, comme le port du masque.
A l’échelle de la planète, la situation est toutefois un peu contrastée. Ainsi la Chine fait face à une épidémie, les habitants de Shanghai sont confinés. Depuis deux ans le pays était épargné grâce à sa stratégie Zéro Covid ; ce n’est donc plus le cas, et la forte contagiosité d’Omicron est en cause. La situation à laquelle est confrontée l’Empire du Milieu est « délicate », estime Arnaud Fontanet, directeur de l’unité d’épidémiologie des maladies émergentes à l’Institut Pasteur à Paris et professeur au Conservatoire national des arts et métiers. Selon lui, « la difficulté pour la Chine est que le niveau de vaccination des personnes âgées, les plus de 60 ans, et notamment les plus de 80 ans, est insuffisante, et avec des vaccins d’une qualité un peu inférieure aux vaccins à ARN messager ; il s’agit du vaccin inactivé Sinovac fabriqué localement. S’ils laissent le virus circuler, ils peuvent avoir une mortalité très significative. On l’a vu à Hong-Kong en mars 2022 : quand BA.2 y est passé, ils ont eu une vague aussi meurtrière que la première vague que l’Europe a connue en mars 2020, en raison d’une population âgée insuffisamment vaccinée », souligne-t-il.
La situation de l’Afrique du Sud est également suivie de près par les spécialistes, notamment car elle pourrait être celle d’autres pays du monde dans quelques semaines ou mois. Deux nouveaux sous-lignages d’Omicron y ont été détectés,
BA.4 et BA.5, et sont à l’origine d’un rebond. « Cette nouvelle vague entraîne une augmentation du nombre de cas assez importante, un retentissement hospitalier moins important qui, précise le Pr Fontanet, ne traduit pas nécessairement le fait que ces sous-variants soient moins sévères que les précédents, mais plutôt qu’ils arrivent alors qu’il existe une couche supplémentaire d’immunité en population, puisque l’Afrique du Sud a eu une vague BA.1 assez importante en décembre dernier. Au fur et à mesure qu’on accumule des infections ou des injections vaccinales, on constitue son immunité, notamment vis-à-vis des formes graves », indique le scientifique.
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On le voit bien, la pandémie n’est pas finie, et pour limiter son impact, la vaccination est une arme importante. Au niveau mondial, les inégalités persistent. Dans de nombreux pays riches, environ 80% de la population est vaccinée tandis que dans les pays à faible revenu, environ 15% a reçu au moins une dose, (dans certains pays, tels le Tchad ou le Cameroun ce taux est de 5%, en RDC moins de 1% selon CDC Afrique) malgré le dispositif Covax mis sur pied pour les aider ; loin donc de l’objectif de l’OMS qui est d’atteindre 70% de la population partout d’ici juillet 2022.
Cependant, depuis quelques mois, l’absence de doses n’est plus un frein, pointe le Dr Emmanuel Baron, directeur d’Epicentre, le groupe de recherche et d’épidémiologie de l’ONG Médecins sans frontières. « Depuis fin 2021, beaucoup de vaccins sont arrivés, notamment en Afrique sub-saharienne, parfois de façon un peu chaotique, avec des délais de péremption courts. Mais le problème est plus la capacité à les utiliser que la capacité à en avoir, relève Emmanuel Baron. Pour vacciner, il faut que toute la logistique soit en place, transport, stockage etc. et c’est un problème » relève-t-il. Autre frein : la faible adhésion parfois des populations. « Les raisons sont diverses : désinformation, mais aussi tout simplement le fait que l’épidémie ne frappait pas de façon très brutale une bonne partie de la population, car la population est très jeune en Afrique sub-saharienne. »
Si l’on sait aujourd’hui -par des études- que le coronavirus a circulé activement en Afrique sub-saharienne entraînant comme ailleurs une surmortalité importante chez les personnes âgées (ainsi que très vraisemblablement chez les personnes fragiles), la jeunesse de la population explique en effet qu’il y ait eu moins de cas graves.
Et des voix se font entendre, comme celle d’Emmanuel Baron, qui mettent en cause l’objectif de l’OMS de vacciner très largement quelle que soit la situation des pays. « Cela oblige à mobiliser énormément de ressources, qui sont limitées, beaucoup de personnel et d’énergie, alors que ces pays sont confrontés à d’autres fléaux, qui se sont d’ailleurs aggravés pendant la pandémie : paludisme, tuberculose etc., souligne Emmanuel Baron, qui plaide pour que les besoins de ces pays soient mieux pris en compte. « En tout cas, il est certain qu’il faut vacciner les gens fragiles contre le covid, et rester réactif, car la pandémie n’est pas terminée », conclut-il.