Dix mois après le vote d’une loi foncière controversée, les associations de défense des droits des paysans ont réussi à relancer des discussions à son sujet. Le but est de rédiger en urgence une série d’amendements pour atténuer – voire abroger – certaines des dispositions qui pourraient faire plonger 80% de la population malgache dans l’insécurité foncière. Le texte de loi, qui avait été voté sans consultation, limite, entre autres, de manière drastique la possibilité de pouvoir protéger légalement son terrain.
Avec notre correspondante à Antananarivo, Sarah Tétaud
Du fait de la rédaction d’une série de conditions strictes, la nouvelle loi foncière empêche l’immense majorité des petits exploitants de protéger le terrain qu’ils occupent par un document légal. Parisoa Andriambolanarivo, est le maire – sans étiquette – d’Imerintsiatosika, une commune rurale des Hauts Plateaux de 100 000 habitants. Durant l’atelier, il a réclamé l’annulation de la loi dans sa globalité.
« La loi qui a été votée est grave, parce que dans une commune comme la mienne où les trois quarts des habitants sont des paysans, c’est dramatique pour eux de ne plus pouvoir accéder à la propriété foncière. La nouvelle loi stipule par exemple qu’il faut désormais 15 ans de mise en valeur de la terre, que cette mise en valeur ait démarré avant 2006, pour pouvoir accéder au certificat foncier. Dans l’amendement, nous souhaitons annuler cet article qui est dramatique pour la sécurisation foncière et surtout pour les paysans », détaille l’élu.
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Au ministère de l’Agriculture et de l’élevage, on reconnaît que le texte ne « favorise pas la sécurisation des paysans au niveau local ». D’après la coordonnatrice nationale adjointe chargée des opérations de sécurisation foncière, Danielle Haingonavalona, « cette loi, en effet, ne permet pas aux paysans de jouir pleinement de leurs droits ni de s’épanouir en termes de développements économique et social. Il y a des erreurs techniques, stratégiques et même politiques, sans doute, qui ont été commises. On doit absolument améliorer ce texte. »
Au ministère de l’Aménagement du territoire et des services fonciers, auquel sont rattachés les concepteurs de la loi, on s’est engagé durant l’atelier, ministre en tête, à modifier et supprimer certains articles dans le but de faciliter l’accès à la terre pour tous. « Il faut se rendre à l’évidence qu’il y avait des articles qui allaient plutôt à l’encontre de la gestion foncière décentralisée et qu’on est en train de rectifier. On est en train de constater que 15 ans, c’était trop. Ce que nous on préconise c’est qu’il y ait un maximum de cinq ans de mise en valeur des terres de propriété privée non titrée », explique Sariaka Rabary, la directrice des services fonciers décentralisés.
Cinq ans : une amélioration mais qui ne satisfait pas pleinement les défenseurs des droits des paysans. Il s’agit en effet d’un recul par rapport à la loi de 2006 qui offrait la possibilité à tous d’accéder au certificat foncier dès lors que la population locale confirmait solennellement la mise en valeur de la terre par le paysan demandeur.
Toutefois, après des mois d’interpellations par la société civile, le gouvernement a montré sa volonté de rouvrir le dialogue sur un sujet aussi crucial pour le développement du pays, que politique. La synthèse des amendements devrait être présentée ce vendredi au ministre de l’Aménagement du territoire. L’objectif est de les présenter aux députés d’ici deux semaines pour un vote lors de la session parlementaire.