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Guinée: la transformation de la bauxite en question

Bulldozers move raw bauxite at the Sangaredi bauxite mine operated by Compagnie des Bauxites de Guinee (CBG) near Boke, Guinea on Tuesday, Sept. 8, 2015. With 43 percent of its population of 12 million living on less than $1.25 a day, Guinea ranks amongst the most impoverished countries in the world, according to World Bank data. Photographer: Waldo Swiegers/Bloomberg via Getty Images

Les miniers installés en Guinée ont jusqu’au 31 mai pour présenter leur projet de raffinerie de bauxite avec un chronogramme. Un ultimatum qui sonne la fin de la récréation, mais qui ne sera pas simple à faire appliquer. 

Pour les miniers, cet ultimatum est une douche froide et annonce une nouvelle ère qu’ils accueillent avec fébrilité. Car jusque-là, le pays avait fermé les yeux sur la mise en œuvre des contrats qui prévoyaient la construction de raffineries. « Les autorités exigeaient très peu sur ce point, la priorité était de faire venir des investisseurs », explique Hervé Lado, le Directeur Afrique de l’Ouest et du Centre francophone de l’Institut de Gouvernance des Ressources naturelles (NRGI).

Mais aujourd’hui, Mamadi Doumbouya a décidé de rappeler à chacun ses engagements : depuis 2016, en effet, les principaux contrats contiennent une obligation de transformation. Et pour certains, ces dispositions sont mêmes antérieures. L’idée étant pour le pays de créer de la valeur, et d’être moins exposé aux risques énormes de volatilité du marché des matières premières. La suspension il y a quelques semaines des achats de bauxite de l’usine de Rusal en Ukraine a rappelé à la Guinée sa grande dépendance aux achats bruts extérieurs.

Des entreprises réticentes à raffiner sur place

Le problème, c’est que fondamentalement les entreprises n’ont pas intérêt à se lancer dans le raffinage localement, explique l’expert de NRGI et c’est certainement ce qui explique qu’elles trainent les pieds. Car la particularité de la bauxite, c’est d’être achetée par des industries, c’est-à-dire des transformateurs qui produisent de l’alumine qui sera transformé en aluminium. Ils viennent donc chercher un produit brut en Guinée, pour faire tourner leurs usines déjà existantes. 

Transformer sur place serait très couteux pour eux, car cela impliquerait de former la main d’œuvre, de construire des infrastructures de transport, et d’avoir, à portée de main, un réseau de sous-traitants. Sans parler du défi énergétique : l’industrie de transformation de la bauxite est très énergivore. 

Le manque de capacité électrique est un des freins

Sur les études de faisabilité en cours, l’une d’elle, celle de la Société minière de Boké (SMB) se base d’ailleurs sur une centrale à charbon, sachant que le charbon devrait être importé. Car même si le pays a investi pour valoriser son potentiel hydro-électrique ces dernières années, cela ne suffira jamais à faire tourner toutes les raffineries que l’État guinéen aimerait voir sortir de terre.

Au mieux, selon Hervé Lado, deux raffineries – en plus de celle exploitée par Rusal, héritée du groupe Péchiney et qui existe depuis plusieurs dizaines d’années – pourraient être alimentées avec la capacité électrique guinéenne en cours de développement.

Le manque d’énergie est la grande faiblesse de la Guinée, et ce qui a jusque-là empêché le développement d’une industrie lourde et notamment de la métallurgie. 

Impossible à ce stade de savoir si la dizaine de compagnies concernées aura un projet suffisamment mûr à présenter le 31 mai prochain, des négociations au cas par cas pour obtenir un délai supplémentaire, voire un moratoire pour certains pourraient bientôt commencer !  

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