L’armée fédérale du Premier ministre Abiy Ahmed n’y intervient pas, laissant les rebelles tigréens du TPLF affronter des miliciens Afar. L’avancée des troupes tigréennes a forcé environ 300 000 personnes à fuir les combats. Les blessés arrivent à Semera, la capitale provinciale de l’Afar.
Entre la ville d’Abala où il a été blessé et Semera où il est soigné, le milicien Ahmed Ibrahim a dû parcourir 400 kilomètres, rapporte notre correspondant à Addis-Abeba, Noé Hochet-Bodin. Autour sa jambe, un plâtre pour recouvrir une blessure par balle. Il a été touché par un sniper.
« Ils avaient positionné de l’artillerie lourde sur la montagne au dessus et ils nous ont pilonné. Apres ça, nous avons du fuir. Mais l’ennemi a porté un assaut dans la ville, et j’ai été blessé par balle. Ils étaient très nombreux. Mais nous, nous n’étions que 33. »
L’hôpital de Dubti, près de Semera, est rempli de blessés de guerre. Uniquement des miliciens. Aucun soldat de l’armée fédérale ne se bat assure Mohammed, lui aussi touché à la jambe.
« J’ai été blessé mais heureusement j’avais mes camarades Afar qui m’ont évacué. Par contre, l’armée fédérale, je ne les jamais vu sur le front. J’ignore pourquoi ils ne nous soutiennent pas. »
La cour et les couloirs de l’hôpital débordent de patients. Plus de 300 blessés sont soignés pour une capacité maximale de 140 lits. Le docteur Hussein Aden dirige l’établissement.
« En cinq jours, 98 blessés ont été admis. Mais depuis le début du conflit, il y a constamment un trop plein de patients. »
Sur les hôpitaux en Afar, deux sont hors d’état à cause des combats. La guerre a beau continuer dans le nord du pays, Abiy Ahmed a décider de lever l’état d’urgence hier.
Le rôle trouble de l’Érythrée
Pendant ce temps, les efforts diplomatiques s’accentuent pour trouver une issue au conflit. Vendredi, la représentant de l’Union européenne pour la Corne de l’Afrique a pointé quelques signaux encourageants. Mais dans cette phase délicate, de nombreux observateurs s’inquiètent du rôle de sape que pourrait jouer l’Érythrée, engagée aux côtés d’Abyi Ahmed dans ce conflit.
Les derniers signaux envoyés par Asmara inquiètent en effet dans les milieux diplomatiques. Malgré la promesse faite par le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed de ne pas poursuivre le TPFL à l’intérieur des frontières du Tigré, l’Érythrée poursuit sa rhétorique belliqueuse.
Il y a une semaine encore le président Afeworki a affirmé dans une interview sa volonté « d’anéantir le fauteur de troubles » que constitue le TPLF selon lui. Il y a quinze jours, pour justifier la reprise des combats et leur offensive dans la région l’Afar, les Tigréens ont accusé Asmara de continuer à les menacer. L’accusation est difficile à vérifier et ne suffit pas à elle seule à expliquer, la percée tigréenne qui se poursuit, mais est jugée « probable » par de nombreuses sources.
« L’objectif d’Asmara ce n’est pas la fin de la guerre, mais c’est de se venger contre les Tigréens pour leur rôle dans la guerre Éthiopie-Érythrée, avance une source diplomatique. C’est le principal frein à la paix aujourd’hui. » Voilà sans doute pourquoi, le médiateur de l’Union africaine Olusejun Obasanjo a d’ailleurs demandé à être reçu par le président Afeworki. En vain pour le moment. Le Premier ministre Abyi Ahmed, lui, a été reçu il y a dix jours à Asamara, sans que rien ne filtre sur leur entretien.