Très remarqués en tribunes lors des matches du Sénégal, les supporters, qui composent les 7 lettres du pays, font partie des incontournables des Lions. Ils rêvent de voir le nom du Sénégal écrit enfin en lettres d’or sur le trophée de la CAN.
De notre envoyé spécial à Yaoundé,
Ils étaient encore là ce dimanche 29 janvier 2022 dans les tribunes du Stade Ahmadou Ahidjo. Sept lettres qui dansent, chantent, crient, exultent. Sept lettres qui portent le Sénégal et poussent les joueurs qui s’imposent (3-1) devant la Guinée équatoriale en quarts de finale de la CAN 2022.
« Les gens nous prennent pour des comiques »
Abdou (S), Saliou (E), Babacar (N), Modou (E), Babacar (G), Samba (A) et Babacar (L) sont le S.E.N.E.G.A.L. Lettres blanches sur peinture verte sur le torse ou vice-versa. Pantalons bouffants aux couleurs du drapeau du pays, chapeaux également tricolores, les « dingues du Sénégal » ne peuvent pas passer inaperçus dans un stade. Et ils portent avec fierté les lettres du pays de la téranga.
« Être dans le groupe des sept est un honneur pour chacun d’entre nous, déclare Babacar Sylla (N). Les gens nous prennent pour des comiques, mais si on s’enduit le corps de peinture, c’est par amour pour notre pays, notre équipe nationale ». « On a tous du travail, des familles, mais on se met minables pour le Sénégal, ajoute Saliou Sang (E), dit Papin, agent judiciaire dans le civil. Tant pis pour ceux qui nous prennent pour des guignols, nous, on représente le Sénégal à notre façon. Comme les joueurs, on est en mission », martèle le premier « E » dont la femme vient d’accoucher il y a moins d’une semaine.
« Deux jours pour enlever la peinture »
Babacar Diouf (G) est caméraman dans une chaîne de télé au Sénégal. Il a préféré suivre la CAN en tant que supporter plutôt que de filmer l’évènement. « J’ai pris un congé. Il était hors de question que j’abandonne mes amis. Et puis, je ne pouvais pas supporter les Lions autrement que me mettre de la peinture et communier avec mes amis »
Il faut au moins trois heures pour se mettre la peinture, se sécher avant d’être prêt à aller au stade et des heures et plusieurs douches pour s’en débarrasser. « Parfois, je mets deux jours pour enlever toute la peinture » confirme Modou Diouf (E). La peinture sur le corps est un bonheur pour Samba, dit Baye Sow (A). « Moi, je m’éclate en faisant la peinture. J’ai toujours aimé jouer, faire du spectacle, me déguiser en Mickaël Jackson ou Lucky Luck », rigole le natif de Cambérene dans la banlieue dakaroise.
A l’hôtel Meumi, dans le quartier Bastos de Yaoundé, loge le « 12e Gaindé », le comité de supporters des Lions du Sénégal. En cet après-midi de lendemain de victoire, les « sept » sont là, déambulant dans les couloirs ou dans la grande salle de l’hôtel. Babacar Nokho (L) est le dernier arrivé dans le groupe. « On m’a sélectionné il y a un an, explique celui qui est originaire de la Casamance, région du sud du Sénégal. On m’avait remarqué lors de la CAN 2019 en Egypte où je me mettais spontanément de la peinture pour supporter le Sénégal. C’est un rêve qui s’est réalisé pour moi, parce que j’avais très envie d’intégrer ce groupe ».
« Les joueurs passent, mais les sept lettres restent »
L’histoire des sept lettres est née pendant la belle épopée des Lions de 2002 finalistes de la CAN et quarts de finalistes du Mondial de la même année. Imam Cheikh Fall est une sorte de gardien du temple, il est la caution morale et religieuse du groupe, et assure aussi les fonctions de trésorier du 12e Gaindé. Depuis près de 30 ans, il est membre du comité de supporter.
Il raconte : « En 2002, il y avait beaucoup de fans clubs de joueurs. Chacun supportait son Lion préféré : El Hadji Diouf, Khalilou Fadiga, Henri Camara, Pape Bouba Diop, Tony Sylva, etc. Pour unir tout le monde, le 12e Gaïndé a eu l’idée des sept lettres qui représentent le Sénégal et tous les joueurs. Ce fut une excellente idée parce que les générations passent, mais les sept lettres restent. Il n’y a plus les premiers comme Teuz, Cheikh Sène, Serigne Mame Mor, etc., mais la relève est assurée par les jeunes. »
Aujourd’hui, c’est un groupe uni et solidaire qui compose les sept lettres et vit sa passion en commun. « On a un groupe WhatsApp, on est tous amis et solidaires. Si on invite quelqu’un du groupe comme supporter, quelque que soit l’évènement, il refuse d’y aller tant que les autres ne sont pas du voyage », renseigne Abdou Aziz qui a hérité du S parce qu’étant le plus grand.
À la veille de la demi-finale face au Burkina, les sept fidèles supporters ont ce rêve de voir enfin le Sénégal soulever son premier trophée continental. « Je suis prêt à donner ma vie pour que le Sénégal gagne la CAN. S’il ne reste que cela à faire pour voir le Sénégal remporter enfin la CAN, oui je suis prêt à me sacrifier, lâche avec conviction Babacar Nokho. Le pays ne sera jamais aussi heureux, et moi je pourrais me reposer en paix ».