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Madagascar: inondations à Antananarivo, le rôle crucial des plaines agricoles

Dix morts, 18 000 sinistrés et près de 8 500 personnes déplacées et accueillies dans les hébergements d’urgence, c’est le bilan ce jeudi des inondations qui ont frappé la capitale malgache et ses environs, ces dernières 72 heures. Les équipes d’intervention de la commune et du bureau de gestion des risques et catastrophes sont débordées. Chaque heure, de nouvelles familles arrivent pour trouver refuge dans des sites d’hébergement déjà saturés.

Avec notre correspondante à Antananarivo, Sarah Tétaud

Cette année, les inondations ont pris tout le monde de court. Pourtant, la situation est loin d’être nouvelle. Les diagnostics ont déjà été posés plusieurs fois.

Valérie Andriamanga, doctorante à l’université d’Antananarivo, participe avec le Cirad au projet de recherche sur la résilience de l’agglomération d’Antananarivo face aux inondations : « La dernière grosse étude, datant de 2020 et portant sur la gestion des eaux usées et des eaux pluviales dans la capitale, a émis une recommandation majeure : il faut qu’Antananarivo dispose d’une capacité de stockage d’environ 15 millions de mètres cubes, soit environ 1 500 hectares de terres agricoles pour accueillir les eaux. Cette superficie, on l’a. Il y a à peu près 3 500 hectares de terres agricoles à Antananarivo, mais ce qui cause les inondations actuellement, ce sont les aménagements anarchiques dans et autour de la capitale. »

Remblais licites ou illicites sur les terres agricoles (ces dernières années, le taux d’accroissement des espaces bâtis était de 3.2%, NDLR), constructions sur les canaux d’évacuation des eaux, vétusté des digues ou des infrastructures de drainage : autant de failles aux conséquences que l’on connait. « Sans compter l’absence de gestion efficace des déchets qui empêche encore plus le bon écoulement des eaux », ajoute la chercheuse.

« Les pluies tropicales, ça existera toujours »

Ces facteurs d’inondations sont bien connus des autorités. « On en est à la quatrième étude de grande envergure en soixante ans », explique un ingénieur en hydraulique. « Seulement, les précédentes études n’ont malheureusement pas été suivies des travaux de mise en œuvre des scénarios d’aménagements préconisés », déplore celui qui travaille dans le domaine de la lutte contre les inondations fluviales dans la communauté d’agglomérations d’Antananarivo.

« Ce qu’il faut comprendre, poursuit Valérie Andriamanga, c’est que les pluies tropicales, ça existera toujours, et les rivières en crues, il y en aura toujours aussi. Donc c’est hyper important de mettre des dispositifs qui permettent l’écoulement des eaux des sites urbanisés vers les plaines agricoles. Et c’est pour ça en fait qu’il est essentiel de conserver les plaines agricoles, parce que plus il y en aura, moins les rizières de ces agriculteurs seront inondées. »

Dans le « Grand Tana », 30% des ménages vivent de l’agriculture et produisent notamment 20% du riz consommé dans la capitale. Mais les terres agricoles diminuent inexorablement au profit du bâti : 80 hectares disparaissent chaque année.

« Problème », souligne encore l’ingénieur hydraulicien, « la pression démographique (2 à 4 fois plus forte que dans le reste du pays, NDLR) s’intensifie au fil du temps et il y a de moins en moins de place pour faire transiter les crues. » Les solutions sont donc loin d’être simples.

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