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Eswatini [1/3]: du sang dans les rues

Plongée cette semaine dans le royaume d’Eswatini, petit pays d’un peu plus d’un million d’habitants enclavé entre l’Afrique du Sud et le Mozambique. Le roi Mswati III, dernier monarque absolu du continent, règne depuis 35 ans sur ce territoire, anciennement connu sous le nom de « Swaziland ». Depuis juin, suite à la mort mystérieuse d’un étudiant de 25 ans, le royaume est secoué par de nouvelles vagues de manifestations pro-démocratie, afin de contester le pouvoir absolu du roi et réclamer un changement des institutions. La répression de ces rassemblements, désormais interdits, a été féroce, tuant et blessant de nombreux manifestants sans pour autant que le mouvement ne faiblisse.

Vusi est en convalescence dans sa chambre très modeste d’un quartier de Manzini, le centre économique du pays. Cet homme de 43 ans a été blessé à la tête par la police, début octobre, lors de la dispersion d’une manifestation devant l’ambassade des États-Unis : « Voici ma blessure, ils m’ont tiré dessus ici, et ensuite en tombant je me suis disloqué l’épaule. J’étais là juste pour défendre mes droits ! Et ils savaient que c’était une marche pacifique, mais ils nous ont quand même tiré dessus ».

Cette blessure, qui a failli être fatale, n’a fait qu’amplifier son désir de combattre le système en place : « On ne fera pas marche arrière. Je ne vais pas vous mentir, j’aime mon roi et je ne veux pas détruire la monarchie. Mais on veut que le roi reste en dehors de la politique, il faut laisser la politique aux hommes politiques. J’espère qu’on aura un jour une démocratie ».

Les tirs de la police, lors des manifestations, ont aussi bouleversé la vie de ce jeune homme de 24 ans, qui nous retrouve près de son ancien terrain de foot. Sorti de chez lui pour voir ce qui agitait sa rue en juin dernier, il a dû être amputé après avoir reçu une balle dans la jambe : « Mon avenir est détruit, car maintenant je ne peux plus jouer au foot. Je jouais en première division. C’est dur, vraiment. Je ne sais même pas comment je vais pouvoir acheter une prothèse. Et le roi ne s’est même pas excusé pour ceux qui se sont fait tirer dessus. J’espère que tout cela, ça nous amènera un grand changement ».

Aucune interdiction de manifestations, selon le Premier ministre

Les chiffres quant au nombre de morts et de blessés depuis le début de la crise sont incertains. La police compte 37 morts. Mais des organisations, comme la Fondation pour la justice socio-économique (FSEJ), tiennent leurs propres comptes. Thabo Masuku en est le directeur : « Pour les blessés, plus de 370 personnes nous ont appelés pour demander notre assistance. Et nous avons comptabilité 84 personnes décédées. C’est très important que l’on réunisse ces chiffres de manière indépendante, afin d’avoir une image précise de ce qu’il s’est passé sur le terrain ».

Mais le Premier Ministre, Cleopas Dlamini, justifie les actions de la police en dénonçant de son côté la violence des manifestations : « Il y a eu beaucoup de violence des deux côtés. Beaucoup de bâtiments ont été détruits. Tant qu’ils voudront organiser des manifestations violentes, elles seront interdites. Mais toute manifestation pacifique peut avoir lieu, personne ne l’empêchera ».

Les mouvements de contestation se sont pour l’instant calmés, alors que le pays s’apprête à célébrer la fête traditionnelle de l’Incwala. Mais les manifestants entendent reprendre les rues par la suite.

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