Deuxième journée de plaidoiries pour les avocats de la défense au procès Apollo 21, dans lequel les Français Philippe François et Paul Rafanoharana sont accusés, avec 18 autres prévenus, d’avoir voulu renverser Andry Rajoelina, le président de la République.
avec notre correspondante à Antananarivo, Laure Verneau
Plus les jours passent, et plus la fébrilité est palpable. C’est que l’enjeu est de taille. Dans sa réquisition, le ministère public a requis la réclusion à perpétuité pour 5 accusés : Paul Rafanoharana et sa compagne Voahangy Andrianandrianina, Philippe François, Aina Razafindrakoto et Victor Ramahatra (qui pourra bénéficier d’une remise de peine, en raison de son âge). Si le verdict n’est pas tombé hier jeudi, comme certains défenseurs l’espéraient, les plaidoiries se sont achevées en fin d’après-midi.
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En tout, c’est une quinzaine d’avocats en toge noire et col blanc qui a défilé devant la présidente de la cour criminelle ordinaire. Tous, avec la même stratégie : plaider non coupable en demandant l’abandon des poursuites. Certains, avec différents angles d’attaques : le renversement de la charge de la preuve, la non caractérisation pénale du complot… Mais, comme un fil rouge, chacun a tenu à dénoncer un procès politique, et donc par là inéquitable.
« Le procès n’est pas fluide, affirme Me Mamy Radilofe d’une voix nette au micro. Il est l’avocat de Aina Razafindrakoto, ex-employé de la Banque Centrale et associé avec Paul Rafanoharana et Philippe François dans Tsarafirst. Il y a des conflits d’intérêts, quelqu’un qui reçoit des ordres. Pourquoi certaines personnes citées plusieurs fois sont absentes, comme Mme Romy, Mme Michou ou Jean-Marc Razakazafy? (…) Interprétation et allégations, c’est tout ce que nous donne l’avocat général du parquet, alors que les preuves doivent être indiscutables. »
L’axe politique a aussi été choisi par le second avocat de Sareraka. L’artiste chanteur, proche du président du président de la République, est accusé d’avoir comploté contre lui. « Toute cette procédure est une mascarade, et ce depuis le début. On a vu dans la lettre à Mada Oil le nom de l’archevêque, on lui a juste posé quelques questions mais il n’y a pas de poursuites contre lui. Paul est pourtant son conseiller. Plusieurs personnes qui travaillent à la présidence sont citées dans cette affaire. Mon client serait il une offrande, voire un cobaye pour cette cour ? », s’est il indigné, sous les bruissements de l’assemblée.
C’est Me Willy Razafinjatovo, dit Me Olala, avocat de Paul Rafanoharana, qui a clôturé la journée avec une certaine aisance en prenant la parole au nom de tous les prévenus – tous accusés d’avoir ourdi un complot pour assassiner le président de la République. « Nous demandons l’arrêt de toutes les poursuites à l’encontre des accusés car les preuves pour les incriminer ne sont pas suffisantes », argue t-il, à la barre. « On ne punit pas les gens pour satisfaire quelques personnalités à la présidence, renchérit l’avocat. C’est pour cela que j’ai demandé une retransmission en direct à la télévision, pour que tous les Malagasy voient la réalité, et vous avez refusé ».
Me Willy Razafinjatovo s’offre même le luxe de quelques francs éclats de rire dans la salle, pourtant passablement assoupie par la chaleur de la fin de journée et les harangues successives. « Dites moi, comment peut-on tuer un président de la République avec un fusil de chasse de calibre 12 et avec 6 cartouches ? » a demandé l’avocat au jury, goguenard – en faisant allusion aux pièces à conviction retrouvées au domicile de Paul Rafanoharana.
L’audience reprend ce vendredi sans que le programme n’ait été annoncé par la présidente de la cour criminelle ordinaire : l’affaire devrait être logiquement mise en délibéré, mais le ministère public peut demander à répliquer.