En Afrique du Sud, le Conseil pour la recherche médicale estime que le nombre de morts du Covid pourrait être plus de 2,5 fois plus élevé que les données officielles, à cause de nombreux cas non identifiés. Cet excès de morts a en tout cas été ressenti au sein des entreprises funéraires du pays, qui ont dû transformer leurs façons de travailler au cours des différentes vagues de l’épidémie. Reportage à Soweto.
La cour de la Sopema a retrouvé son calme, maintenant que la troisième vague est passée. Mais Phumzile Magasela, employée de cette entreprise funéraire de Soweto, a encore en tête le ballet permanent des convois funéraires de ces derniers mois. « On ne pouvait pas dormir, c’était beaucoup plus important que ce à quoi on s’attendait, raconte-t-elle. Ça ne s’arrêtait pas. On enterrait, mais toujours plus de corps arrivaient. »
Depuis le début de la pandémie, l’entreprise a dû se transformer. Désormais, un conteneur réfrigéré est installé dans la cour et peut accueillir une vingtaine de corps supplémentaires.
« Voici notre extension : pour l’instant on ne l’a pas branchée, car on a peu de besoins, mais lorsqu’une vague arrive, on l’utilise. Ce virus est là, il tue, et ça ne va pas s’arrêter maintenant, alors je conseille à tout le monde d’aller se faire vacciner, lance Phumzile Magasela. Tout ça, ce ne sont pas des histoires rapportées, ça se passe ici. On a même dû aller quatre fois au sein d’une même famille. »
Monageng Legae dirige l’entreprise familiale qui emploie une soixantaine de personnes. Mais il doit régulièrement faire appel à des employés non permanents, lors des pics de contaminations.
« Alors que l’on organisait quinze funérailles par semaine avant le Covid, lors de la première vague, on a commencé à en organiser trente par semaine. Là, on vient de sortir de la troisième vague, et on est monté jusqu’à 105 par semaine. Cela nous a vraiment choqués. Souvenez-vous, certaines personnes tombent malades du Covid chez elles. Elles ne vont pas se faire tester, puis elles décèdent, donc elles ne sont pas identifiées dans les chiffres. »
En se basant sur le nombre de morts naturelles en excès par rapport aux années précédentes, des chercheurs sud-africains ont d’ailleurs démontré que les chiffres dépassent de loin les données officielles.
« On estime qu’entre 85 et 95% de ces décès excessifs sont très certainement liés au Covid. Et on vient de dépasser la barre des 250 000 morts naturelles supplémentaires par rapport à des années pré-pandémie. Donc si on prend un taux de 90% en lien avec le Covid, cela représenterait environ 225 000 victimes du virus. C’est bien au-dessus des 85 000 décès déclarés par le ministère », observe Tom Moultrie, démographe à l’Université du Cap.
Alors que les contaminations ont fortement ralenti, l’entreprise funéraire prend le temps de constituer un nouveau stock de cercueils, en espérant qu’ils ne serviront pas lors d’une quatrième vague.