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Tchad: Nour Ibedou, défenseur des droits de l’homme, prêt à rejoindre le dialogue national

Lt. General Mahamat Idriss Deby Itno, President of the Chadian Transitional Council, looks on during his meeting with Sudan's prime minister in the Sudanese capital Khartoum on August 29, 2021. (Photo by - / AFP)

Après une décennie de lutte contre l’ancien régime d’Idriss Déby Itno, Mahamat Nour Ibedou, l’un des défenseurs des droits humains de premier plan, et membre de la coalition de l’opposition Wakit Tama, se dit prêt à rejoindre le dialogue national mené le fils d’Idriss Déby, Mahamat Idriss Déby. Mais d’autres membres de Wakit Tama rappellent que sur le fond rien n’a changé et que ceux qui font confiance aux autorités risquent d’être trompés à nouveau.

Mahamat Nour Ibedou, secrétaire général de la Convention tchadienne pour les droits humains (CTDDH ), a indiqué samedi 11 septembre ne plus vouloir subir, mais être un acteur de la gestion du pays. Il a participé, ces dernières semaines, aux manifestations contre le processus de transition à l’appel de la coalition Wakit Tama, qu’il indique ne pas vouloir quitter, tout en précisant sa décision de rejoindre le dialogue national.

« Nous avons assez lutté en dehors du système. Et là, franchement, nous risquons d’être d’éternels contestataires. Nous refusons désormais de subir et nous avons décidé, cette fois-ci, de lutter de l’intérieur, c’est-à-dire, aller au dialogue. Il faut vraiment participer aux instances qui doivent décider de la vie du pays. C’est une option que nous avons choisie et cette option est désormais irréversible », a-t-il expliqué.

À la question de savoir si cela veut dire qu’il a formellement quitté Wakit Tama, le secrétaire général de la Convention tchadienne pour les droits humains précise : « Nous ne sommes pas formellement encore sortis de Wakit Tama. Il y a eu une divergence d’opinion par rapport à certaines négociations avec le CNT [Conseil national de Transition]. Le CNT nous avait accordé des places. Des camarades ont trouvé que ce n’était pas suffisant. Nous, nous sommes quand même dit que c’est raisonnable et nous partons. Il y a des gens qui étaient à Wakit Tama et qui sont allés dans le dialogue. Cela n’a pas entraîné des problèmes pour autant. Donc j’imagine que pour nous, également, cela va être la même chose. »

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« Sur le fond rien n’a changé »

Mahamat Nour Ibedou ne quitte pas la coalition, mais dit vouloir être un « acteur à part entière ». Une décision que respecte Succès Masra, du parti Les Transformateurs et lui aussi membre de Wakit Tama. Il rappelle néanmoins que sur le fond, rien n’a changé et que ceux qui font confiance aux autorités risquent d’être trompés à nouveau.

« Mahamat Nour, il faut saluer son engagement. Il s’est battu avec les moyens qu’il avait, il y a peut-être un peu de fatigue… Il y a une volonté surtout, je pense, de faire confiance, à l’aveugle, pour une dernière fois, d’une certaine manière. Parce qu’en effet, dans sa déclaration, il ne dit pas qu’il y a des choses qui ont changé et qui l’ont amené à faire ce choix. Moi, ce que je dis, c’est que nous ne pouvons pas faire seulement une confiance aveugle. Nous devons juger sur des actes. Nous autres, peut-être que nous sommes un peu plus prudents, plus exigeants. Il a choisi, lui, d’être plus bienveillant. Mais il faut des sentinelles de la nation qui exigent davantage parce que justement, on nous a trompés plusieurs fois et lui, il le sait. C’est une démarche qu’il essaie de mener de bonne foi. Je pense qu’il en tirera les leçons d’ici là. Nous n’avons pas de doute que, très tôt, ils se rendront compte que c’est une messe déjà dite à l’avance, d’une certaine manière. Voilà l’esprit en tout cas qui nous guide, tout en leur souhaitant bonne chance pour essayer d’influencer aussi, d’une certaine manière, de là où ils seront », a déclaré, à RFI, Succès Masra.

Un avis partagé par un autre membre de la coordination. Michel Barka, le président de l’UST (Union des syndicats du Tchad), estime que rien n’a changé dans la transition pour justifier cette décision. S’il respecte le choix de Mahamat Nour Ibedou, il doute que cela soit efficace. « Nous respectons son point de vue. Il a pensé que le moment était venu pour changer de stratégie. Nous ne pouvons pas lui dire autre chose que bonne chance ! Nous ne sentons rien du point de vue des améliorations pour penser qu’en allant « à l’intérieur », on pourra changer quelque chose. On ne voit aucun changement. L’ancien système s’est totalement installé. Peut-être qu’il a vu autrement, mais nous, nous ne voyons rien du tout pour le moment. »

Wakit Tama se divise sur des questions de stratégies

Comme le prouve la décision de Mahamat Nour Ibedou, les membres de Wakit Tama n’arrivent donc plus à accorder leurs violons. Résultat, il y a deux camps et un point de crispation : la participation au dialogue.

Il y a ceux qui vont y participer comme Mahamat Nour Ibedou, pour qui dialoguer reste la seule chance de se faire entendre après des semaines de lutte dans la rue qui, dit-il, n’ont rien donné.  Un point de vue partagé par Dobian Assingar, président de la Ligue tchadienne des droits de l’homme, mais aussi par certains partis politiques tels que l’UNDR de Saleh Kebzabo.

Leur stratégie : ne pas laisser les mains libres au Conseil militaire de transition et tenter de changer les choses de l’intérieur. Quitte à faire quelques concessions notamment sur la modification de la charte de transition.

Une stratégie rejetée par Wakit Tama qui continue à demander la modification de ce texte comme préalable à toute participation au dialogue. Sans quoi, tout dialogue sera un échec selon Succès Masra des Transformateurs. Et pour cela, les manifestations, qui gonflent de jour en jour selon le syndicaliste Michel Barka, restent la seule solution pour faire pression sur le CMT.

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