« Anataban », « Je suis fatigué » en arabe, est le nom d’un collectif d’artistes sud-soudanais fondé en 2016. Ils sont peintres, musiciens ou encore grapheurs. Et utilisent leur art pour favoriser la paix, le dialogue et lutter contre les injustices sociales dans leur jeune pays, 10 ans, déchiré par des années de conflit.
C’est avec leur clip diffusé sur les réseaux sociaux que tout a commencé à l’été 2016. Un clip rassemblant des chanteurs et rappeurs sud-soudanais connus autour d’une chanson baptisée Anataban.
« Nous nous sommes retrouvés à 18 dans un atelier à Nairobi, raconte le chanteur Meen, également l’un des fondateurs du collectif. Et nous étions tellement en colère que la guerre ait repris. Nous nous sommes dit : il est temps de conjuguer nos efforts et de faire quelque chose. À l’époque, l’expression la plus répandue parmi la jeunesse du Soudan du Sud, c’était « je suis fatigué » – fatigué de fuir, fatigué de la guerre. On a repris cette expression pour notre campagne. L’idée était de pousser les Sud-Soudanais à dénoncer la violence et à choisir la paix plutôt que la guerre. »
Concerts, fresques murales, pièces de théâtre, dessins de presse ou campagne sur les réseaux sociaux… Anataban multiplie les actions. Son but est d’utiliser l’art pour mobiliser la jeunesse et éradiquer la culture de violence dans le pays. « On essaie de changer l’état d’esprit de la jeunesse vis-à-vis de la violence, explique Meen. Car, parmi les gens qui s’entretuent dans le pays, il y a des jeunes. La majorité des Soudanais sont jeunes. Donc la décision d’arrêter la violence revient à la jeunesse de ce pays. »
Ce jour-là, un groupe de jeunes autrefois actifs dans des gangs de la capitale enregistre un morceau de musique. Un projet porté par Anataban pour les sortir de la spirale du banditisme. « Cette chanson parle des souffrances endurées par la population, indique Didi Daoudi qui coordonne ce projet. C’est aussi un appel aux autorités pour qu’elles améliorent l’accès aux services de base. Et ça parle de la façon dont les jeunes peuvent être utiles à leurs communautés s’ils sont soutenus. »
« Les gens d’Anataban sont venus dans notre quartier et nous ont fait prendre conscience qu’il ne fallait pas gâcher nos talents, ajoute Mister Wonda, un des chanteurs. Maintenant, la vie des gangs, c’est fini pour moi. Je fais de la musique. Maintenant, je suis quelqu’un. » Mister Wonda avait rejoint son premier gang à l’âge de 15 ans, livré à lui-même dans les rues de Juba et faute, dit-il, d’avoir trouvé à l’époque quelqu’un pour lui tendre la main.