C’est la « nouvelle étape d’une longue escalade », relate Le Monde Afrique. « La rupture des relations diplomatiques entre Alger et Rabat, annoncée (avant-hier) mardi par le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, n’a pas vraiment surpris en Algérie tant les griefs à l’égard du pays voisin se sont accumulés ces derniers mois. Cette rupture était dans l’air : l’Algérie avait annoncé, le 19 août, une révision de ses relations avec le Maroc. A la question du Sahara occidental, qui envenime durablement les relations entre les deux pays, se sont greffés de nouveaux différends qui ont fait monter les tensions. Le plus grave, aux yeux d’Alger, s’est joué lors d’une réunion du mouvement des non-alignés à New York, les 13 et 14 juillet, quand l’ambassadeur du Maroc, Omar Hilale, a distribué une note affirmant que le ‘vaillant peuple kabyle méritait, plus que tout autre, de jouir pleinement de son droit à l’autodétermination’. Ces propos ont suscité la fureur des autorités algériennes, mais aussi de l’opposition, le parallèle implicite fait par le représentant du Maroc entre la Kabylie et le Sahara occidental étant jugé ‘fallacieux’. L’ancien ministre de la Communication, Abdelaziz Rahabi, a dénoncé un appel à la ‘sédition’, une ‘action hostile’, et a appelé le ‘peuple et l’Etat’ à réagir avec ‘force et fermeté’. »
« Le faux frère démasqué »
Et la presse des deux pays hausse le ton également…
« Comportement agressif, provocateur, hostile, belliqueux, inamical… et d’autres qualificatifs peuvent être accolés à l’attitude du Maroc qui a plus qu’exaspéré l’Algérie pour opter pour cette solution extrême de la rupture des relations diplomatiques », dénonce avec force le quotidien Liberté à Alger.
« Le faux frère démasqué », s’indigne pour sa part El Moudjahid. « Rabat fomente des crises en œuvrant à leur aggravation. Orchestre des campagnes de presse haineuses contre le peuple algérien et ses dirigeants. Colonise le Sahara occidental, bloque son droit à l’autodétermination, au mépris du droit international. Manœuvre pour introduire l’entité sioniste au sein de l’Union africaine. »
Le stratagème de « l’ennemi extérieur » ?
La presse marocaine n’est pas en reste : « contre toute attente censée, à chaque fois que le Maroc fait un pas vers son voisin, la réaction est systématiquement brutale et tranchée, rétorque Le Matin à Casablanca. La déclaration de la rupture des relations diplomatiques après la main tendue par Sa Majesté le Roi, lors du discours de la Fête du Trône, ainsi que la mise à disposition de deux avions Canadairs pour lutter contre les incendies en Algérie, en est le paroxysme. »
L’Opinion renchérit : « la décision d’Alger de rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc représente un exemple éloquent de la faiblesse du régime algérien qui semble ne plus avoir d’autre choix que de recourir au stratagème de ‘l’ennemi extérieur’ pour calmer le mécontentement de ses concitoyens. »
27 années de brouille
En fait, rien de bien nouveau sous le soleil du Maghreb, relève Jeune Afrique : « depuis la fermeture des frontières en 1994, les relations entre les deux pays ont rarement connu une période d’embellie ou de désescalade. Sahara occidental, rappels d’ambassadeurs, trafic de drogue, soutien à des organisations hostiles à l’un ou à l’autre, les 27 dernières années ont vu se multiplier les incidents et les contentieux entre les deux voisins. »
Chamboulements politiques et économiques à venir ?
Alors quelles peuvent être les conséquences de ce gel diplomatique ? Question posée par Aujourd’hui au Burkina Faso.
Pour ce qui est des citoyens algériens résidant au Maroc et inversement, aucune incidence, répond le journal, « les consulats des 2 pays restant ouverts ». Les conséquences sont d’ordre politique et économique, pointe le quotidien burkinabé : « politiquement, la brinquebalante Union du Maghreb Arabe va en prendre un sérieux coup. Déjà que les relations assez exécrables entre les deux pays inhibaient cette organisation, la présente rupture n’arrangera pas les choses. L’UMA risque au mieux de se prolonger dans sa léthargie au pire, on pourrait en arriver à l’abandon pur et simple. D’autres craignent aussi que la route du gazoduc Maghreb-Europe, qui part des gisements algériens jusqu’en Europe via le Maroc, ne connaisse des difficultés. Sous Bouteflika, le mercure montait, mais jamais on n’était arrivé à rompre les liens, relève encore Aujourd’hui. Les pays arabes, la France mais aussi les Etats-Unis pourraient contribuer à recoller les morceaux. Encore faudrait-il que Rabat et Alger puissent ne plus évoquer ces deux sujets réels, mais ô combien tabous que sont la République sahraouie et la Kabylie. »