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La naissance du Gabon moderne: en huit dates-clés

Le 17 août 1960, le Gabon fut la huitième colonie africaine de la France à accéder à l’indépendance. Son futur chef d’État, Léon Mba, qui aurait préféré que son pays demeurât dans le giron français, proclama presque à contre-cœur l’indépendance de son peuple. Les premiers contacts entre l’Europe et le futur Gabon remontent au XVe siècle. Retour sur l’histoire franco-gabonaise, de la découverte à la décolonisation, en passant par l’exploitation coloniale.

1472 : sur la route du commerce triangulaire

Débarquement des premiers Européens sur les côtes du Gabon. Il s’agissait de marins portugais, mais très vite le territoire suscite aussi l’intérêt des marins français, danois et britanniques dont les navires mouillent régulièrement dans ces côtes. C’est le début d’un commerce fructueux entre marchands européens et tribus locales, portant essentiellement sur l’ivoire, les espèces de bois précieux et, bien sûr, les esclaves.

9 février 1839 : début de la colonisation française

Signature d’une convention entre l’amiral français Édouard Bouët-Willaumez et Antchuwè Kowè Rapontchambo, alias « roi Denis », un chef mpongwe, autorisant la création d’un premier poste de commerce sur l’estuaire du Como. C’est à partir de cette petite colonie que partit notamment Pierre Savorgna de Brazza qui jeta les bases de la future Afrique équatoriale française (AEF). En 1849 est fondée Libreville, la capitale du futur Gabon, pour accueillir des esclaves libérés d’un navire brésilien arraisonné par des marins français en vertu de la loi interdisant formellement la traite négrière.

Une vue aérienne de Libreville au Gabon. ©Bajan28/creativeCommons

1886 : nomination du premier gouverneur français

Le Gabon devient officiellement une colonie française, avec la nomination d’un premier gouverneur. La colonie est intégrée dans le Congo français, avant de rejoindre l’AEF à partir de 1910. La perte par Libreville de son statut de chef-lieu au profit de Brazzaville sera à l’origine des rivalités entre les deux capitales, qui ne prendront fin que lorsque le Gabon deviendra une circonscription séparée du Congo-Brazzaville après la Seconde Guerre mondiale. C’est le début de l’exploitation coloniale du territoire gabonais avec la création et l’implantation de grandes compagnies concessionnaires chargées de mettre en valeur les ressources forestières et minières du pays. Certains parleront de « pillage systématique » des ressources naturelles par des intérêts privés avec la bénédiction de l’administration coloniale.

1906-1912 : résistances et révoltes

L’occupation coloniale du territoire gabonais se heurta à une forte opposition de la part des autochtones soumis à des obligations de l’impôt de capitation, des prestations de travail exigées par les compagnies concessionnaires, des supplices et des brutalités diverses. L’histoire des premières décennies de la colonisation du Gabon est émaillée de soulèvements et de révoltes suscités par des abus des coloniaux. Parmi les principaux mouvements de révolte qui ont marqué les esprits, il faut citer le soulèvement des Tshogho en 1904 contre les exactions des compagnies concessionnaires, la révolte des Punu menée par l’intrépide Nyonda Mkita ou encore le mouvement de résistance des « Binzima » (soldats, en fang) contre l’administration coloniale, qui mobilisa entre 1907 et 1910 plus de cent mille hommes. Ces mouvements furent impitoyablement réprimés dans le sang.

1940 : Libreville la « vichyste » versus Brazzaville la « gaulliste »

Vue aérienne de la forêt Gabonaise. © AFP – Ageos

Pendant cette période de l’entre-deux-guerres, le régime colonial s’implante solidement dans le pays et l’exploitation des ressources s’intensifie avec l’essor de l’industrie forestière dans les régions côtières, le développement des cultures du cacao et du café dans le Woleu-Ntem et celui de l’extraction minière dans la Ngounié. Les rênes de l’économie sont entre les mains des Européens, mais la prospérité économique favorise l’émergence d’une bourgeoisie autochtone au sein de laquelle émergent les premières revendications syndicales et politiques visant l’administration coloniale. Puis, la situation politique évolue avec la Seconde Guerre mondiale qui éclate en Europe. En 1940, le Gabon est d’abord subordonné au gouvernement de Vichy, avant que son gouverneur ne rallie finalement le général de Gaulle. La guerre insuffle une nouvelle vie à la rivalité entre Libreville la « vichyste » et Brazzaville la « gaulliste » par excellence.

1946–1958 : de l’Union française à la Communauté

Comme dans les autres colonies, c’est durant cette période de l’immédiat après-Seconde Guerre mondiale que s’est forgé le destin futur du Gabon, avec de nouvelles règles du jeu introduites par la métropole sous la pression d’une classe politique africaine de plus en plus consciente de son poids dans l’opinion publique. On assiste, en 1946, à la création de l’Union française qui abolit l’indigénat dans les colonies au profit d’une citoyenneté française uniforme. Le statut administratif des colonies évolue aussi vers celui d’un territoire d’outre-mer, doté d’une assemblée locale et le droit d’envoyer des représentants aux assemblées législatives métropolitaines. Ces évolutions donnent un coup de fouet à la vie politique dans les colonies. Libreville voit ainsi émerger de nouveaux partis politiques dont l’Union démocratique et sociale gabonaise (USDG) et le Bloc démocratique gabonais (BDG). Leurs fondateurs, Jean-Hilaire Aubame et Léon Mba respectivement, s’imposent en tant que protagonistes de premier plan de la scène politique gabonaise. Adversaires politiques, ils feront toutefois campagne en 1958 en faveur de la « Communauté française », projet lancé par le général de Gaulle, revenu au pouvoir à Paris. Ce nouveau projet propose de faire évoluer le statut des colonies vers un plus grande autonomie. Le 28 novembre 1958, avec la victoire de « oui », le Gabon devient « État membre de la Communauté », avec Léon Mba nommé au poste fraîchement créé de Premier ministre .

17 août 1960 : « L’indépendance comme tout le monde »

Or la « Communauté » s’avère un projet éphémère avec la plupart des Etats membres décidant de prendre leur indépendance. La classe politique gabonaise vivait la rupture des liens avec l’ancienne métropole comme un drame, tant les économies des deux pays étaient inextricablement entremêlés. Inquiet du devenir de son pays, Léon Mba, chef du gouvernement gabonais, avait suggéré au général de Gaulle, dès 1958, que le Gabon devienne un département français. Pour toute réponse, Paris lui signifia une fin de non-recevoir cinglant. Ce sera « l’indépendance comme tout le monde ! » Ainsi, c’est à contre-cœur que le dirigeant gabonais proclama l’indépendance de son pays le 17 août 1960, sans oublier de rendre hommage à l’ancienne métropole dans son discours à la nation : « En ces heures solennelles où ce pays va naître à son nouveau destin, ma pensée se tourne vers la France amie avec une gratitude profonde ». « Que le Gabon le sache bien ! La France demeure à ses côtés », lui répondit André Malraux, ministre d’État dépêché par Paris pour représenter la France aux célébrations de l’indépendance à Libreville.

17 février 1964 : ce fidèle Léon Mba !

La France tiendra parole en intervenant lorsque, le 17 février 1964, Léon Mba, élu entre temps à la présidence de son pays, est renversé par un coup d’Etat fomenté par son adversaire de toujours, Jean-Hilaire Aubame. Paris réagit tout de suite en envoyant ses parachutistes pour réinstaller au pouvoir le fidèle Léon Mba. Il faut dire aussi qu’avec son sous-sol riche en manganèse, en uranium et en pétrole, le Gabon est un allié qu’on n’a pas envie de perdre. L’alliance s’est consolidée avec la dynastie Bongo qui a succédé à Mba, après sa disparition en 1967.

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