Au Royaume-Uni, la question de la restitution du patrimoine africain fait régulièrement la Une de l’actualité. Le pays regorge de musées dans lesquels les visiteurs peuvent découvrir des peintures et des sculptures venues du monde entier, mais aussi des œuvres acquises à l’époque de l’empire colonial britannique et qui sont aujourd’hui devenus embarrassantes.
Avec notre correspondante à Londres,
Quand on a eu la chance de visiter les musées de Londres, on pense peut-être d’abord à la pierre de Rosette, l’un des objets phares du très célèbre British Museum. C’est la stèle qui a permis de déchiffrer les hiéroglyphes, découverte en 1799 pendant l’expédition d’Egypte de Napoléon Bonaparte, puis récupérée par les Britanniques. L’Egypte a fait savoir par le passé qu’elle aimerait rapatrier la pierre mais les discussions n’ont rien donné jusqu’ici.
Le débat actuel porte plutôt sur ce que l’on appelle les bronzes du Bénin. C’est un ensemble de centaines de plaques et de sculptures qui décoraient autrefois le palais royal du Bénin, un territoire aujourd’hui situé dans le sud du Nigeria.
Ces œuvres ont été pillées par les troupes britanniques en 1897 et elles sont désormais réparties dans des musées du monde entier et dans des collections privées. Il y en a dans tout le Royaume-Uni.
Des restitutions strictement encadrées
Mais les regards sont surtout tournés vers le British Museum qui détient la plus grande collection au monde de ces bronzes du Bénin avec plus de 900 pièces. Le Nigeria souhaite les récupérer et le British Museum est ouvert à la discussion mais n’a pas pour projet, pour l’instant, de les restituer.
Notamment à cause de la loi britannique et plus particulièrement du British Museum act de 1963. Selon ce texte, les restitutions permanentes du British Museum ne peuvent se faire que dans de très rares cas. Un processus mis en place afin de protéger les œuvres.
D’après Barnaby Phillips, ancien journaliste et auteur d’un livre sur les bronzes du Bénin, le musée a les mains liées par cette loi : « Les directeurs du British Museum et les membres du conseil d’administration ont souvent été accusés, par le passé, de se cacher derrière cette loi et de l’utiliser comme une excuse pour ne rien faire sur ces questions. Mais il est vrai aussi que la loi devra changer pour que les bronzes du Bénin exposés dans ce musée soient restitués. Et cela devra passer par une majorité de votes au Parlement. »
Et difficile d’imaginer un vote favorable avec le Parlement actuel, majoritairement conservateur. Le gouvernement lui-même voit d’un mauvais œil le débat sur la restitution. Le ministre de la Culture plaide plutôt pour le « explain and retain » (expliquer et conserver). En clair, préciser l’origine et l’histoire des œuvres, plutôt que de les rendre.
L’impact du mouvement Black Lives Matter
Mais les positions évoluent, c’est même déjà le cas avec des musées plus petits, qui ne sont pas des musées nationaux et sont donc plus libres. Plusieurs se sont engagés à restituer des bronzes au Nigeria comme le musée de l’université d’Aberdeen, en Écosse.
Et puis, selon le journaliste Barnaby Phillips, les mouvements contre le racisme de l’été 2020 et les questionnements qui ont suivi sur l’héritage colonial, ont contribué à faire avancer le sujet. À tel point que, d’après lui, le Nigeria semble mieux placé actuellement que la Grèce, pour récupérer ses œuvres.
Athènes demande depuis plusieurs années le retour des marbres du Parthénon, exposés au British Museum. Un musée a même déjà été construit pour les accueillir mais le gouvernement britannique s’y est toujours fermement opposé.
« Si on m’avait dit, il y a dix ans, qu’il y aurait plus de chances que les bronzes du Bénin retournent au Nigeria plutôt que les marbres du Parthénon en Grèce, ça ne m’aurait pas semblé possible. Je pense que c’est en partie lié au mouvement Black Lives Matter et à la question tellement délicate du racisme. Tout cela met les musées britanniques sur la défensive au sujet des bronzes du Bénin, à un point qu’on aurait eu du mal à imaginer il y a seulement quelques années », explique le journaliste.
Autre preuve que cette question a pris de l’importance au Royaume-Uni : deux objets pillés par les Britanniques en Ethiopie en 1868 ont été retirés d’une vente aux enchères en juin, dans le comté du Dorset en Angleterre. C’est l’ambassade éthiopienne à Londres qui en avait fait la demande pour « en finir avec le cycle de la dépossession ».
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