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Tokyo 2021: le cyclisme africain à l’heure des Jeux olympiques

À Tokyo, samedi 24 juillet, ils seront 11 coureurs africains sur les 130 concurrents, représentant 7 nations différentes, à prendre part à la course olympique sur route, comme le Burkinabè Paul Domont, ou encore l’Algérien Hamza Mansouri. Mais sur un parcours très exigeant où la concurrence sera rude, il ne faudra pas attendre des miracles de leur part.

La présence des cyclistes africains aux JO de Tokyo prouve encore une fois que le continent aime aussi le vélo, érigé parfois en sport national, comme en Érythrée. Mais le challenge s’annonce une nouvelle fois très compliqué.

S’aguerrir en Europe

« Si tu n’as pas fait le Tour de France, c’est impossible de performer. Ce sera déjà bien de finir la course, prévient Jean-Jacques Henry, entraîneur au Centre mondial du cyclisme de l’Union cycliste internationale (UCI). Paul Domont, s’il arrive à faire 180 kilomètres (234 kilomètres au total), ce sera déjà pas mal. Il a du potentiel, mais il y a encore beaucoup de travail à faire. Le championnat d’Afrique (qui permet la qualification d’un pays, ndlr) n’a rien à voir avec le niveau World Tour (première division internationale,ndlr). Mais aux Jeux, il faut que tous les continents soient représentés, un peu comme lors des Championnats du monde. Sportivement, pour être au niveau, il faudrait faire plus de courses en Europe pour les jeunes Africains. Et puis, il y a eu le Covid qui a cassé la dynamique, car ils n’ont pas eu accès aux compétitions. Ce sera quand même une belle expérience pour ceux qui seront dans le peloton olympique ».

Depuis plusieurs années, des coureurs africains ont trouvé place au sein d’équipes continentales (deuxième division) ou World Tour (première division), à l’image de l’Érythréen Merhawi Kudus (Astana), qui aura du mal à se mettre en avant à Tokyo, alors qu’il n’a pas participé à la Grande boucle. Comme le souligne Jean-Jacques Henry, « les quarante premiers du classement à Tokyo auront tous fait le Tour de France, c’est presque certain ». Un peu comme à Rio en 2016, où le Sud-Africain Louis Meintjes avait pris une très belle septième place alors qu’il avait terminé à la 8e place au classement général du Tour de France.

La création d’un centre d’entraînement en Afrique de l’Ouest

Ce qui n’empêche pas le continent africain de se développer en matière de cyclisme. Même si la pandémie de coronavirus a freiné l’élan de très bons jeunes coureurs, à l’image du Rwandais Jean Eric Habimana. « Ressuscité par des pionniers, maintenu en vie par des passionnés, le cyclisme africain n’a jusque-là gagné que le droit de survivre. Aujourd’hui, il aspire à vivre tout simplement », écrit le journaliste Frédéric Gassmann dans un ouvrage qu’il consacre à la Petite reine sur le continent africain*.

« Le matériel a sacrément évolué depuis 1998 et ma première couverture du Tour du Burkina Faso, témoigne Frédéric Gassmann. Des pays et des dirigeants ont pris conscience qu’il n’y a avait pas que le foot dans la vie, et le cyclisme mérite des moyens pour continuer à grandir. On peut souligner les dotations de l’UCI qui souhaite faire évoluer le cyclisme et créer un centre d’entraînement en Afrique de l’Ouest (à l’image de celui de Potchefstroom en Afrique du Sud,ndlr). Le cyclisme est un métier qui s’apprend. Les trois courses UCI du continent (Tour du Burkina Faso, du Rwanda et Tropicale Amissa Bongo au Gabon, ndlr) ont quand même permis aux coureurs de se frotter et d’observer les coureurs européens. En 2020, il ne s’est rien passé à cause de la pandémie de coronavirus, il va falloir rattraper ce temps perdu ».

Frédéric Gassmann souligne : « J’ai apprécié le courage de tous ces coureurs qui essayent de faire jeu égal avec les coureurs européens lors de leur Tour national et qui résistent à la pression de leur équipe et du public local. Je suis optimiste pour l’avenir. Il y aura un Championnat du monde en 2025 sur le continent africain et ce sera un sacré coup de projecteur. »

Le cyclisme africain, par Frédéric Gassmann © Edition Amalthée

Nicholas Dlamani, premier coureur noir d’Afrique du Sud au Tour de France

Lors du dernier Tour de France, Nicholas Dlamani, premier coureur noir d’Afrique du Sud à s’élancer sur les routes françaises, avait chuté lors de l’étape qui emmenait le peloton vers Tignes. L’ancien gamin des bidonvilles du Cap, qui sera au Japon, avait tenu à rallier la ligne d’arrivée coûte que coûte. Arrivé hors délai dans la grisaille et le froid, à plus de 2000 mètres d’altitude, une heure et 24 minutes après le vainqueur du jour, loin des délais à 37’20 », le coureur de la formation Qhubeka-Assos ne repartira pas le lendemain, déclaré hors-course par le jury des commissaires. « Le soutien des fans a été incroyable depuis le départ. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles je voulais vraiment terminer la course aujourd’hui. Je voulais honorer cette course et mon équipe », reconnaissait-il.

En 2015, l’Érythréen Daniel Teklehaimanot avait été le premier coureur noir africain à disputer le Tour de France depuis la création de l’épreuve en 1903. Il avait été aussi le premier à porter la tunique de meilleur grimpeur durant quatre étapes. Six ans après ses exploits, Teklehaimanot n’est plus dans le peloton. À Tokyo, d’autres seront sur leur vélo pour continuer à ouvrir la voie du cyclisme africain.

*Le cyclisme africain, par Frédéric Gassmann (éditions Amalthée)

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