Fils d’un inspecteur des finances et d’une enseignante, Hugues Fabrice Zango ne s’imaginait pas faire une carrière sportive. Le Burkinabè sera pourtant un très sérieux prétendant à la médaille d’or olympique au triple saut le 5 août à Tokyo. Portrait.
Être champion olympique, ce n’est pas un rêve pour Hugues Fabrice Zango, c’est un projet. Et il sait déjà comment il va le concrétiser le 5 août prochain, jour de la finale du triple saut. « L’objectif est très clairement d’assommer le concours au premier essai, pose-t-il d’un ton calme. Après, on ne me verra plus, les Jeux s’arrêteront après le premier essai. Rien d’autre ne m’intéresse que l’or olympique donc je me prépare à cela. Par nature, je me lâche quand j’ai le couteau sous la gorge, je tourne, je cherche des solutions et ce n’est pas forcément en accord avec l’action. En finale olympique, il faut passer à l’action et pas réfléchir. L’action, c’est assommer tout le monde dès le premier essai. Et après, rigoler sur les cinq autres. »
Zango n’a pas toujours affiché ses ambitions de manière aussi claire. Mais depuis sa médaille de bronze aux derniers championnats du monde, il a encore progressé. Au point de devenir le premier sauteur de l’histoire à retomber au-delà des 18 mètres en salle. Ce jour-là, en janvier dernier, il bat le record du monde établi dix ans plus tôt par le Français Teddy Tamgho. Tamgho n’en a pas souffert, d’autant moins que depuis deux ans et demi, il est l’entraîneur de Zango. Dans son groupe d’athlètes, le puissant Burkinabè – 1m80 pour 80 kilos – a gagné un surnom. « On l’appelle Jiren, explique le champion du monde 2013. Comme le personnage de Dragon Ball, le plus grand manga de l’histoire, qui est à la fois le calme et la force absolue. C’est comme ça qu’on voit Hugues. Une personne qui ne va pas forcément parler mais qui va dégager énormément de puissance. Comme ce personnage, il est très volumineux, très costaud, et son objectif est la précision, la force absolue, la victoire. »
Zango serait donc un personnage en quête d’or au pays des mangas. Et pourtant, être champion olympique, ce n’était pas un rêve pour l’enfant qu’il était au Burkina Faso. « C’est sûr que quand j’étais plus jeune, c’était peut-être aller à la NASA qui m’intéressait, rigole l’Étalon du triple saut. J’étais beaucoup plus passionné par la science que par tout autre chose. Mes notes scolaires le prouvaient. »
« Né d’un ego »
Jusqu’à ce jour de 2011 où un tournoi inter-collèges l’amène à découvrir le Stade du 4-Août à Ouagadougou. Un duel sur 60 mètres. Et une défaite qui se transforme en déclic. « Si je ne m’étais pas fait battre à cette compétition, analyse-t-il, je suis sûr que je ne serais pas athlète. Je me suis demandé : « Mais comment il a pu me battre ? » Ça me hante jusqu’à aujourd’hui parce que je n’ai pas pu prendre ma revanche avec cette personne que peut-être je pourrais battre désormais. Donc oui, c’est né d’un ego. »
L’ego de Zango l’a poussé à percer dans le sport. Sans renier pour autant sa passion pour les sciences. Il y a quelques semaines encore, l’athlète était très occupé à préparer la thèse qu’il doit soutenir l’année prochaine. Doctorant en génie électrique à Béthune dans le nord de la France, il cherche en permanence le difficile équilibre entre le sport et les études de haut niveau. Plutôt sceptique a priori sur ce que la psychologue de son groupe d’entraînement pouvait lui apporter, il trouve aujourd’hui que son aide est précieuse. « Il m’arrivait souvent d’être à l’entrainement et de penser à une équation que je n’arrivais pas à résoudre et forcément, ça me gênait. Mais en appliquant les techniques que la psy nous a montrées, j’ai réussi à dissocier mon sport et ma thèse. »
Désormais, c’est tout pour le triple saut en pensant – Teddy Tamgho le sait – à son pays. « Hugues veut rendre fier le Burkina, témoigne l’entraîneur. Quand il vous parle du Burkina, on voit des étoiles dans ses yeux. Il a envie de le faire aussi pour se prouver que ce mec de Ouaga peut être le numéro un au monde de manière incontestable et incontestée. Il a envie de le faire. »
Et s’il le fait, Hugues Fabrice Zango deviendra le premier Burkinabè médaillé aux Jeux olympiques.
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