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Sahara occidental: «La déclaration de Trump va à l’encontre de la position de la communauté internationale»

L’autoproclamée République arabe du Sahara occidental (RASD) et le Maroc se disputent ce territoire bordé par l’Atlantique depuis 45 ans. L’accueil il y a quelques semaines par l’Espagne de Brahim Ghali, leader du mouvement indépendantiste Polisario, avait provoqué une crise diplomatique et un afflux de migrants vers les enclaves ibériques. Et le processus de paix avec le Maroc est toujours au point mort. Mohamed Salem Ould Salek, ministre des Affaires étrangères de la RASD, est l’invité de RFI.

RFI : Le chef du Front Polisario Brahim Ghali a été soigné récemment en Espagne, comment va-t-il, est-ce qu’il est remis ?

Il va bien, il va mieux, il est rétabli. Il est entrain de faire une convalescence, il est ce moment au niveau d’Alger.

Son hospitalisation a donné lieu à une crise entre le Maroc et l’Espagne, comment est-ce que vous l’analysez ?

Mohamed Salem Ould Salek : Le Maroc voulait que l’Espagne et l’Union européenne suivent la déclaration de Trump qui a reconnu légalement la présence du Maroc dans notre pays, donc l’arrivée du président Brahim Ghali en Espagne pour des soins Covid-19 était le prétexte pour déclencher cela. Le Maroc a fait pression contre ses voisins et contre l’Espagne notamment, il a utilisé cette arme de l’immigration clandestine, comme il a utilisé bien sûr la drogue, aujourd’hui 80% du cannabis en Europe c’est la production marocaine !

Il y a quelques mois, les États-Unis de Donald Trump ont reconnu le Sahara occidental comme territoire marocain, en échange le Maroc a renoué avec Israël, vous avez là perdu une bataille diplomatique ?

Mais pas du tout ! Je crois que la déclaration de Trump va à l’encontre des décisions et de la position de la communauté internationale. Les Nations unies, l’Union européenne, l’Union africaine, la Cour internationale de justice, la Cour européenne de justice ne reconnaissent pas la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental ! Je ne crois pas qu’une déclaration de Trump puisse changer les frontières de cette manière, puisse éliminer l’existence d’un peuple et confisquer ses droits en plein jour, cela équivaut à revenir à la loi de la jungle ! Trump a violé non seulement les décisions des organisations internationales et de droit international, mais aussi même les intérêts stratégiques des États-Unis. Je ne crois pas que l’administration américaine a intérêt de voir un pays quelconque changer les frontières de ses voisins pour subir une politique d’acquisition de territoire par la force.

Actuellement, il n’y a pas eu de signes d’un changement d’avis de la nouvelle administration. Vous espérez que l’administration Biden revienne là-dessus, change d’avis ?

Il y a eu des signes, d’abord l’administration Biden n’a pas confirmé qu’ils ont endossé les décisions de Trump. La dernière déclaration de département d’État, il y a dix jours, disait justement sur cette question du Sahara occidental qu’il y a une différence fondamentale entre l’administration actuelle et l’ancienne administration de Trump.

Des pays ces derniers mois ont ouvert des consulats dans ce territoire en disant qu’il appartenait au Maroc. Maintenant, sur quels soutiens pouvez-vous encore compter ?

D’abord, les Sahraouis sont décidés à reprendre leur liberté et lutter par tous les moyens pour libérer leur pays, c’est le premier point. Deuxièmement, ça ne change rien du tout que les Comores ou un autre pays ouvrent un consulat, c’est un geste, une décision politique. De surcroit les pays africains doivent respecter les principes fondateurs de l’Union africaine, à savoir que le Maroc transgresse les frontières héritées de l’époque coloniale. Ces consulats sont des boutiques politiques disons, on sait très bien comment le Maroc arrive à convaincre un certain nombre de pays, malheureusement à travers une diplomatie du dollar et des enveloppes …

Sur le front, sur le terrain, où en est la situation, est-ce que les lignes ont bougé ?

Oui, les lignes ont bougé. Il y a des attaques de part et d’autre, des morts tous les jours. Il n’y a pas encore de grandes batailles, mais ça va venir. Nous avons signé un accord de paix, appelé « plan de règlement » en 1991, sous les hospices des Nations unies et de l’OUA, aujourd’hui l’Union africaine. Nous comptons sur un pays comme la France ou sur l’Union européenne pour jouer un rôle positif parce que la paix et la sécurité en Afrique du Nord et de l’Ouest sont liées à la paix au Sahara occidental. Il faut que le Maroc respecte les frontières de ses voisins, d’ailleurs, comme nous l’avons vu, la prolongation de ce conflit peut créer des difficultés y compris pour l’Union européenne.

Au sujet des négociations justement, elles semblent au point mort, toujours pas d’envoyé spécial de l’ONU, pourquoi ?

Parce que le Maroc refuse !  Il essaie de bloquer le processus d’indépendance de notre pays, donc il est nécessaire, voir même urgent qu’un pays comme la France aide le Maroc à comprendre que le chemin de la paix passe par l’acceptation des règles du jeu, et surtout la coopération avec les Nations Unies pour aller vers la paix.

Et est-ce qu’on peut quand même espérer arriver à la paix via les négociations ?

Nous avons toujours fait en sorte que la solution pacifique soit réalisable ! La Minurso, la mission des Nations unies pour l’organisation d’un referendum au Sahara occidental est toujours sur le terrain, mais elle est bloquée. Le Maroc refuse d’aller au referendum, le Maroc ne veut que la légitimation de son occupation illégale de notre pays.

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