Un jugement sans précédent en Afrique du Sud : l’ancien président Jacob Zuma a été condamné à 15 mois de prison pour outrage à la justice. Le verdict très attendu de la Cour constitutionnelle est tombé ce mardi 29 juin 2021. Poursuivi dans plusieurs affaires de détournement et blanchiment d’argent, Jacob Zuma était, cette fois-ci, jugé pour son refus de comparaître devant une commission anticorruption.
C’est à la majorité que la plus haute cour du pays a rendu son verdict. « Il n’y a absolument aucun doute », a déclaré la juge de la Cour constitutionnelle, avant l’énoncé de la sentence : « Monsieur Zuma est coupable d’outrage à la justice. » « Jamais auparavant, a-t-elle précisé, l’autorité et la légitimité de cette Cour n’a été sujette à autant d’attaques de la part de Monsieur Zuma. Jamais la justice n’a été autant menacée. Nous n’avons pas d’autres choix que de le juger coupable. »
L’ancien président, qui est poursuivi dans plusieurs affaires de corruption, dont une affaire de pot-de-vin du groupe français Thalès, écope donc de 15 mois de prison. Une peine qui ne concerne pas directement ces affaires puisqu’elles sont encore en instance de jugement, mais pour avoir refusé d’obéir à la justice et de se présenter devant une commission. Une commission qui enquête sur la corruption au sommet de l’État et qui l’avait convoqué pour l’entendre.
Cinq jours pour se rendre
À plusieurs reprises, Jacob Zuma, à ce sujet, avait déclaré qu’il préférait aller en prison plutôt que de se présenter devant cette commission. L’ex-président a désormais cinq jours pour se rendre à la police. Mais il est difficile de dire s’il va coopérer.
Jacob Zuma est retranché dans sa résidence de Nkandla, dans le Kwazulu Natal. Il a toujours de nombreux soutiens au sein de l’ANC, le parti au pouvoir, à commencer par le secrétaire général du mouvement Ace Magashule – récemment suspendu – dans l’attente de son procès pour corruption. Ses partisans vont très certainement se mobiliser d’ici à dimanche, notamment les vétérans de l’ancienne branche armée de l’ANC, Umkhonto we Sizwe, dont les membres controversés manifestent à chaque comparution en justice de l’ancien président.
L’ironie du sort, dans cette condamnation, est que la commission d’enquête qui a saisi la justice contre l’ex-président avait été mise en place par Jacob Zuma lui-même. L’ancien président avait été forcé, à la fin de son mandat, de faire un geste pour apaiser le mécontentement grandissant de la population face aux multiples scandales impliquant des membres de son gouvernement.
« De quel genre de justice s’agit-il ? »
Pour les proches de l’ancien président, ce verdict est biaisé et les droits de Jacob Zuma bafoués. « Nous avons une situation très particulière, où nous sommes passés de la Cour constitutionnelle – qui a été saisie – à l’incarcération d’une personne, sans qu’il y ait eu un procès en bon et due forme et où l’on nous dit qu’il n’y a pas d’appel possible », dénonce Mzwanele Manyi, porte-parole de Jacob Zuma.
« La cour fait comme elle veut, elle traite ce dossier comme s’il s’agissait d’une affaire civile, elle traite la personne comme un criminel. Il s’agit d’une sanction pénale à l’encontre du président Zuma et pourtant il n’a pas les mêmes droits que d’autres criminels. Il est le seul qui va aller en prison, sans avoir les mêmes droits que d’autres criminels, c’est-à-dire sans pouvoir faire appel. De quel genre de justice s’agit-il ? »
C’est une décision qui fait date, et qui nous prouve que notre superbe Constitution fonctionne bien.
Reportage : à Johannesburg, les Sud-Africains surpris par la décision de la Cour