Dans le centre du Tigré, les habitants accusent l’armée fédérale et les soldats érythréens d’avoir commis un bain de sang. Une enquête a révélé qu’au moins 182 personnes auraient été tuées le 10 février dans une douzaine de villages dont la ville d’Abi Adi, là où trois humanitaires de Médecins sans frontières ont été assassinés il y a trois jours.
Avec notre envoyé spécial dans la région centre du Tigré, Sébastien Németh
Le 10 février restera l’un des jours les plus sombres de l’histoire de Guya. Les habitants du village accusent les soldats éthiopiens et érythréens d’avoir exécuté au moins 25 personnes en une journée.
« Il y a eu des combats dans la montagne, raconte Zawdu Alaya, un témoin du massacre. Puis des centaines de soldats éthiopiens et érythréens sont arrivés avec leurs tanks et leurs armes. Ils ont fait du porte-à-porte en répétant qu’ils voulaient se venger. Les Érythréens sont entrés chez nous, disant qu’ils avaient besoin de mes frères pour charger leurs armes dans les camions. Ils les ont aidés, puis les Érythréens les ont abattus. La ville était jonchée de cadavres. Après plusieurs jours, ils pourrissaient et les animaux les dévoraient. J’en fais encore des cauchemars. »
Le même jour, le même scénario macabre se serait répété dans les localités environnantes.
Quatre mois plus tard, la région reste marquée. Dawita Hailesselassié habite Abi Adi. Il décrit l’onde de choc sur la population. « Quand ils sont venus, les soldats ont braqué les banques. Elles sont fermées depuis plus de trois mois. Donc on doit aller à Mekelle chercher de l’argent. Mais le coût des transports a été multiplié par huit. Dans le passé, on vivait bien, on était heureux. Aujourd’hui on ne peut même plus partager un café. On se querelle entre nous, on est stressés, on n’a plus d’argent, plus de travail, et la criminalité augmente à cause de la pauvreté. »
Fin mai, le procureur de la République avait annoncé la condamnation de quatre soldats pour d’autres crimes. Le massacre du 10 février reste pour l’instant impuni.