Le président congolais a poursuivi son séjour dans l’est de la RDC, jeudi 17 juin, à Beni et Butembo, au Nord-Kivu, avant d’atterrir à Bunia en Ituri. Félix Tshisekedi a, une fois de plus, défendu l’état de siège instauré dans ces provinces meurtries. Selon lui, il devrait permettre de mettre un terme à l’insécurité, mais aussi aux « magouilles » de l’armée dans la gestion des fonds des opérations. Ces derniers mois, dans ces provinces, les forces de sécurité ont été accusées de faits plus graves encore.
Le groupe d’experts de l’ONU a documenté plusieurs cas de possibles crimes de guerre dans son dernier rapport publié mercredi 16 juin. Le plus grave a sans doute eu lieu en Ituri l’an dernier. Le groupe d’experts a interrogé une cinquantaine de témoins, certains oculaires, mais aussi notamment des victimes et des membres des forces de sécurité. Plusieurs unités sont accusées d’avoir commis des violences, exécutions sommaires, viols, destructions et pillages de villages. Ces exactions ont notamment visé les populations bira et lendu, considérées comme proches des deux principaux groupes armés locaux, les FPRI (Force de résistance patriotique de l’Ituri) et la Codeco (Coopérative de développement du Congo). Le 25 juin 2020, dans un village, treize personnes ont même été exécutées. Certains des cas documentés pourraient constituer des crimes de guerre, pointent les experts onusiens.
Paradoxalement, la Codeco, toujours selon ce rapport, a tiré l’essentiel de ses armes des FARDC (Forces armées de la République démocratique du Congo). Lors d’attaques, 172 soldats ont été tués, selon des statistiques officielles, 130 kalachnikovs, des grenades, des lance-roquettes, des mitrailleuses et même un mortier ont été volés. Mais selon le groupe d’experts, d’autres officiers FARDC ont fourni des armes à ces mêmes miliciens. Des militaires seraient également présents dans sept mines d’or dans les territoires de Djugu, d’Irumu et de Mambasa. Quatre d’entre eux avaient été attaqués par des factions de la Codeco.
Le 312e bataillon accusé de trafic
Des cas similaires ont été documentés au Nord-Kivu. Dans le territoire de Beni, le groupe armé islamiste d’origine ougandaise ADF a largement ciblé les agriculteurs, ils en ont tué une centaine et capturé une centaine d’autres. Par conséquent, des champs de cacao ont été désertés et des militaires du 312e bataillon des commandos, déjà cité dans de précédents rapports, les ont récoltés. Il est également accusé d’avoir facilité son acheminement en fraude vers l’Ouganda.
En Ituri, ce sont encore les hommes de ce bataillon commandés par le lieutenant-colonel Tipi Zéro Zéro qui auraient attaqué des négociants d’or. En 2019, pointent les experts onusiens, ce pays frontalier avait vu ses exportations augmenter de 29%.
Le NDC-Rénové Bwira « collaborateur » des FARDC ?
Au Sud-Kivu, le colonel Manassé du bataillon 21042 aurait ordonné à ses hommes de collecter de l’or pendant soixante-douze heures dans la zone de Misisi. Le groupe d’experts accuse également d’autres officiers de soutenir des groupes armés, la Codeco en Ituri, des groupes maï-maï sur les hauts plateaux du Sud-Kivu ou la faction Bwira du NDC-Renové au Nord-Kivu. Pour ce dernier cas, le groupe d’experts a même trouvé un document officiel des FARDC qui le citait comme un « collaborateur ».
À noter que le groupe d’experts de l’ONU a pris soin de contacter les officiers incriminés. Le lieutenant-colonel Tipi Zéro Zéro n’a pas répondu. Le colonel Manassé a nié toute implication.
Dans les deux provinces sous état de siège, l’Ituri et le Nord-Kivu, RFI avait documenté la présence de plus d’une dizaine d’officiers sous mandat d’arrêt de la justice militaire congolaise pour des crimes graves.