Au surlendemain de l’annonce du gouvernement de transition, présenté par les nouvelles autorités comme un gouvernement d’union, la coordination des actions citoyennes s’est réunie ce mardi 4 mai. C’est ce mouvement, Wakit Tama, composé d’organisations de la société civile et de partis politiques d’opposition, qui mène la contestation populaire contre les nouvelles autorités de transition.
Avec nos envoyés spéciaux à Ndjamena, David Baché et Julien Boileau
Ce mardi matin, le mouvement Wakit Tama appelle à une nouvelle manifestation ce samedi, dans quatre jours. Les leaders de la coordination citoyenne entendent poursuivre et même intensifier leur combat.
Pour eux, le gouvernement de transition qui a été présenté dimanche soir ne constitue en rien un gouvernement d’union. Ils expliquent que puisqu’ils rejettent le Conseil militaire de transition – ces quinze militaires dirigés par Mahamat Idriss Déby, fils du président défunt, qui ont pris la tête du pays –, tout ce que ce conseil militaire met en place est, selon eux, illégitime. Pas question donc de reconnaître le nouveau gouvernement.
Le coup d’Etat étant acté, tout ce qui découle du coup d‘Etat ne peut être admis. (…) Ce n’est pas un gouvernement d’union, il y a des communautés qui sont privilégiées, ce n’est pas équilibré. Et nous ça ne nous intéresse pas parce que nous voulons que le Tchad retrouve la paix pour toutes ses populations sans exclusion, sans qu’on puisse imposer des dirigeants à nos peuples.
La coordination citoyenne Wakit Tama appelle à de nouvelles marches
Certains partis d’opposition ont pourtant choisi de l’intégrer et de jouer le jeu de la transition. Des partis qui, pour certains, appelaient jusque-là à la contestation. « Ils se sont exclus d’eux-mêmes de notre coalition », estiment unanimement les leaders de Wakit Tama, qui ne cachent pas leur colère et qui appellent donc à de nouvelles marches pacifiques pour samedi, à Ndjamena et dans tout le pays. Et cela malgré la répression meurtrière de la marche du 27 avril qui avait fait quinze morts, selon le dernier bilan de ces organisations. Les autorités en reconnaissent six. Il y avait également eu plus de 700 arrestations.
Qu’importe, les membres de Wakit Tama veulent continuer à dénoncer, dans la rue, ce qu’ils désignent comme un « coup d’État institutionnel ». Ils exigent le retour à l’ordre constitutionnel et l’ouverture d’un véritable dialogue national.
Réunion du MPS
Quelques heures plus tard, ce sont leurs adversaires politiques du MPS, le parti d’Idriss Déby, qui se sont réunis. Et qui ont, eux aussi, fait des annonces. Le bureau politique du Mouvement patriotique du salut a pris plusieurs résolutions. Les premières ne sont pas des surprises : le MPS réitère son soutien au Conseil militaire de transition, et prend acte de la mise en place du Gouvernement de Transition, au sein duquel le parti est très bien représenté.
La dernière est plus intéressante : le MPS demande que la Charte de transition soit modifiée pour que le Premier ministre et les ministres de transition ne soient pas autorisés à se présenter « aux futures consultations électorales ». Un pluriel qui indique qu’il s’agit à la fois des législatives et de la présidentielle. Une exigence nouvelle du parti présidentiel, mais qui ne concerne pas, vous l’aurez noté, les quinze généraux du Conseil militaire de transition. A commencer par son chef, Mahamat Idriss Déby.
Le bureau politique du MPS exige l’introduction dans la charte de transition d’une disposition interdisant au Premier ministre et aux membres du gouvernement de se présenter aux futures consultations électorales. Ceux qui sont dans la transition sont supposés être neutres.
Maître Jean-Bernard Padaré, secrétaire général adjoint et porte-parole du MPS
Lors de la répression meurtrière de la marche du 27 avril, qui avait fait quinze morts selon le dernier bilan de ces organisations et six selon les autorités, il y avait eu 653 arrestations rien que à Ndjamena. 58 autres personnes ont été interpellées samedi dernier lors d’une autre mobilisation. Aujourd’hui, des sources judiciaires assurent que toutes ont été entendues par le parquet. Un peu plus de 120 personnes ont été renvoyées devant le tribunal correctionnel.
Les auditions ont été menées tambour battant car « il s’agit de cas de flagrance » explique des sources judiciaires. Au final, ce sont 127 personnes qui ont été inculpées puis écrouées à la Maison d’arrêt de Klessoum, à l’est de la capitale. Sept parmi elles présentaient des blessures plus ou moins graves, elles ont été remises à leurs familles et devront comparaître libres. Toutes les autres personnes interpellées lors de ces manifestations ont été libérées au fur et à mesure qu’elles étaient entendues, assurent ces mêmes sources.
Aujourd’hui, le juge a déjà été saisi, les prévenus devraient comparaître devant la chambre correctionnelle de Ndjamena lundi, jeudi et vendredi de la semaine prochaine. Ils sont poursuivis notamment pour troubles à l’ordre public, attroupements non armés, destruction de biens publics notamment deux stations-services Total. Enfin, certains sont accusés d’avoir frappé à mort une policière à la retraite lors de la grande manifestation de mardi, ils seront jugés pour coups et blessures mortels et risquent jusqu’à 10 ans de prison.
Le président du parti des Transformateurs Succès Masra a dénoncé mardi ce qu’il qualifie de « régime illégal dirigé par le fils » et qui a gardé dit-il, « les mêmes reflexes de répression et de brutalité que celui du père ». Le mouvement Wakit Tama à la tête de la contestation exige de son côté leur libération « immédiate »