En République démocratique du Congo, un troisième membre du commando de police qui a tué les deux défenseurs des droits de l’homme Floribert Chebeya et Fidèle Bazana témoigne. Eric Kibumbe Banza, dit Saddam, reconnaît avoir participé à l’assassinat de l’assistant et chauffeur du fondateur de la Voix des sans voix et pointe la responsabilité du général Djadjidja dans le complot. Le corps de Fidèle Bazana n’a jamais été retrouvé. Témoignage.
RFI : Kibumbe Banza Eric, vous êtes l’un des policiers congolais cités dans le meurtre de deux défenseurs des droits de l’homme Floribert Chebeya et Fidèle Bazana Edady. Pouvez-vous dire ce qui s’est passé le 1er juin 2010, jour du meurtre ?
Eric Kibumbe Banza : Le 1er juin 2010, j’étais à la maison. J’observais un repos décidé de moi-même. Mes collègues et moi avions décidé de bouder le colonel Daniel Mukalayi qui était notre chef. Ce jour-là vers 10 ou 11 heures, le matin, j’avais reçu deux coups de téléphone : le major Christian Kenga Kenga et le colonel Daniel Mukalayi m’ont, chacun, intimé l’ordre de me présenter à l’Inspection générale de la police nationale parce qu’ils avaient besoin de moi. Et parce que l’ordre des chefs ne se discute pas, je me suis précipité pour répondre à cette convocation. Sur place à l’inspection générale, Christian Kenga Kenga était là avec Hergil Paul Ilunga qui lui aussi était censé être en repos. Aussitôt arrivés, aussitôt reçus tous les trois par le colonel Mukalayi lequel nous pria de patienter hors de son bureau. Le major Christian était également accompagné de ses collaborateurs : Jacques Mugabo, Ilunga Doudou et son chauffeur Alain Longwa Kayeye, qui vivent dans sa résidence. Il y avait aussi un certain lieutenant Bruno.
Pourquoi vous a-t-on appelé ?
On nous a parlé d’une mission à exécuter, sans donner la nature de cette mission. Aux environs de 14 heures, nous avons perçu un peu d’argent pour aller nous restaurer. En début de soirée, les chefs ont demandé à Hergil Paul Ilunga de prendre possession de la jeep de commandement du colonel Mukalayi dont il était responsable de la sécurité, moi j’étais le garde de corps du colonel. Le véhicule de la Brigade canine a été confié au lieutenant Bruno. Le major Kenga Kenga avait son véhicule.
Et comment Bazana s’est-il retrouvé dans votre véhicule ?
On avait usé d’un subterfuge. Comme il commençait à faire nuit, on l’a sorti de la Mazda qu’il conduisait pour le placer sur ma surveillance dans la Jeep à bord de laquelle je me trouvais. C’est alors que Jacques Mugabo et Doudou sont venus m’aider. La mission qui m’avait été dévolue, ma mission à moi Saddam Kibumbe, c’était celle d’exécuter Bazana Eddady. C’était ça ma mission, la mission que je reconnais avoir exécuté… la mission concernant Bazana.
Comment aviez-vous procédé pour exécuter Bazana ?
Nous avions étouffé Bazana à l’aide des sachets avant de lui mettre du scotch. J’avais été aidé par Jacques et Doudou. Hergil, lui, était au volant du véhicule dont le moteur était en marche, prêt pour le départ. Après lui avoir mis du scotch, Bazana a cessé de respirer. Jacques et Doudou sont ensuite descendus pour la mission concernant Chebeya. Pendant ce temps, moi j’étais resté avec le cadavre de Bazana… J’étais resté avec le cadavre de Bazana jusqu’au signal de départ. Dans notre véhicule, il n’y avait que moi, la dépouille de Bazana et Hergil. J’étais assis à l’arrière de la jeep Defender soutenant la dépouille de Bazana.
Le convoi quitte l’inspection générale de la police pour quelle destination ?
Au signal, on s’est mis en route. J’étais assis à l’arrière de la jeep Defender retenant le corps de Bazana, Hergil au volant. Après avoir dépassé la station essence de la RTNC, nous avons emprunté l’avenue Shaumba, avant d’amorcer la montée vers notre destination qui était Mitendi… Mais, à mi-chemin, au niveau de la Cité Météo, le moteur s’est arrêté. Et c’est là qu’interviennent nos vieilles relations de la GR qui était postées. Elles nous ont poussés. Et nous avons repris la route vers Mitendi, jusqu’à la concession du général Djadjidja, à l’époque des faits colonel Djadjidja… C’était là notre destination.
Qu’avez-vous fait dans cette concession ?
Nous sommes entrés dans les profondeurs de la concession. C’est là qu’on a enterré le corps de Bazana, la tombe était déjà préparée par l’homme du colonel Djadjidja qui vit dans la concession, c’est un adjudant dont le nom serait Ngoyi. Ce monsieur était déjà prêt pour ensevelir le cadavre de Bazana.
Et vous repartez avec le corps de Chebeya ?
Avant de repartir, nous avions transféré le corps de Chebeya de la jeep Defender de Christian Ngoyi vers son véhicule, la Mazda. Et nous sommes allés déposer la Mazda avec le corps sur la grande route à Mitendi.