Sophie Bouillon partage dans son dernier livre sa passion pour Lagos, mégalopole ouest-africaine où elle travaille pour l’AFP. Entre les lignes, le portrait d’une ville sous crise Covid, et ce qu’il faut de tripes pour y vivre.
« Si tu penses que t’es fort, viens à Lagos. Tu verras. » En exergue du récit de Manuwa Street (Premier Parallèle), cette petite phrase de Chinwe Okafor, chauffeur de « kéké » (taxi triporteur) résume tout. Elle parle aussi bien de l’état d’esprit de la ville que de celui de l’auteure, qui se met elle-même au défi.
La question, lancinante, revient dans le récit : qu’est-ce qu’une journaliste française peut bien faire là, dans l’une des mégalopoles les plus dures, les plus chères et les plus folles d’Afrique ? Les réponses se trouvent par bribes, dans cette ville de 20 millions d’habitants qui, écrit-elle, l’a « accueillie alors que je n’avais plus nulle part où aller, ni l’envie d’aller nulle part ».
Sophie Bouillon, plus jeune lauréate du prix Albert Londres, reçu à 25 ans en 2009 pour un reportage au Zimbabwe publié par la revue XXI, a vécu en Afrique du Sud de 2008 à 2013 et posé un temps ses valises à Nairobi. Aujourd’hui chef adjointe du bureau de l’Agence France Presse (AFP) à Lagos, elle « bâtonne » des dépêches, comme on dit dans le jargon du métier. Un format court et factuel peu propice aux effets de style. Mais son goût pour l’écriture reste intact, après deux livres déjà parus – Une vie de pintade en Afrique du Sud (Calmann-Lévy, 2013) et Elles, les prostituées et nous (Premier parallèle, 2015).