La province du Tigré est en guerre depuis début novembre. Plus de trois millions d’individus sont en besoin d’assistance et victimes de graves violations des droits de l’homme. Le Premier ministre Abiy Ahmed est resté silencieux depuis plus de trois mois. Il a fini par reconnaître en partie la catastrophe humanitaire engendrée par son intervention, mais n’en endosse pas la responsabilité.
Fin novembre, le message d’Abiy Ahmed tenait en deux points. La guerre est finie et n’a fait aucune victime civile, rappelle notre correspondant à Addis-Abeba, Noé Hochet-Bodin. Aujourd’hui sous pression, son discours a changé : « Les soldats qui ont commis des atrocités et violé nos sœurs tigréennes seront jugés pour leurs actes. Nous avons demandé aux soldats de combattre le parti du TPLF, pas les populations civiles. »
Autre concession, et pas des moindres, Abiy Ahmed reconnaît la présence de son allié, l’armée érythréenne, qui est entrée au Tigré en plaidant la légitime défense selon lui. « L’Érythrée est intervenue au Tigré, car elle craignait pour sa sécurité nationale. Nous combattions le TPLF dans le centre de la province et ils avaient peur qu’ils s’attaquent à eux le long de la frontière. »
L’armée érythréenne pointée du doigt
Sauf que c’est justement les Érythréens qui sont pointés du doigt par la communauté internationale. Ils sont suspectés de massacres, de pillages et de viols à grande échelle.
« Il y a eu des abus. On entend parler de pillages notamment. Nous avons fait part aux Érythréens de notre inquiétude, et ils ont nié fortement toute responsabilité, précise le Premier ministre éthiopien. Ils nous ont promis qu’ils puniraient tout soldat érythréen coupable de ce genre de violations. »
Des promesses probablement trop légères pour calmer les craintes des Européens et des États-Unis, qui demandent encore et toujours le retrait des soldats érythréens et la tenue d’enquêtes indépendantes par des organisations de défense des droits de l’homme.
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Onze organisations internationales font front commun
De leur côté, onze organisations internationales dont 9 agences onusiennes ont signé un communiqué commun pour alerter sur les violences de genre au Tigré. OMS, HCR ou encore UNICEF ont dénoncé « les attaques indiscriminées contre les civils, notamment les viols et des formes horribles de violences sexuelles ».
Le collectif a demandé que ces crimes « cessent », que les parties impliquées dans le conflit respectent le droit international, protègent les civils et que les auteurs d’exactions soient jugés, rapporte notre correspondant à Nairobi, Sébastien Németh. Les agences réclament donc une enquête indépendante à laquelle le Haut Commissariat aux Droits de l’Homme participerait.
Une « situation humanitaire désastreuse » pour l’ONU
Mais la situation sanitaire n’incite pas à l’optimisme. Sur les 264 centres de santé du Tigré, un seul fournit une prise en charge pour les cas de viol. Moins de la moitié disposerait de contraception d’urgence. Par ailleurs, même pas un tiers d’entre eux pratique encore des vaccinations.
La situation de 106 de ces établissements de soin a été passée en revue depuis décembre. 70% ont été pillés, 30% endommagés. Seuls 16% seraient fonctionnels. S’ajoute à cela le manque de moyens humains avec les agents de santé qui ont fui les violences et les salaires non payés.
Lundi, le porte-parole adjoint de l’ONU a décrit une « situation humanitaire désastreuse, qui continue de se détériorer ». Farhan Haq a rappelé qu’environ 1 milliard et demi de dollars étaient nécessaires pour l’Éthiopie, mais qu’à peine plus de la moitié avait été récoltée pour l’instant.
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