Samedi, à la demande du calife général des mourides, l’opposition a accepté de suspendre « sine die » ses manifestations pour éviter le risque de nouvelles violences au Sénégal. Mais sur le terrain, si l’accalmie est réelle, la crise n’est pas réglée pour autant. Tout est question de rapport de force.
Avec notre envoyée spéciale à Dakar, Carine Frenk
Selon un nouveau bilan du M2D, la coalition qui soutient l’opposant Ousmane Sonko, le bilan des récentes émeutes s’élève désormais à treize morts, dix selon une source gouvernementale. Et près de 600 blesses, selon la Croix-Rouge.
À la demande des guides religieux, Ousmane Sonko a donc dû accepter de suspendre les manifestations. Il ne pouvait faire autrement quelques jours après les pires heurts que le pays ait connus depuis une décennie. C’eut été prendre le risque de s’aliéner une partie de l’opinion. « Le système des confréries est tellement puissant, même pour l’opposant antisystème », ironise un analyste. Ce faisant, c’est une opportunité pour lui de se présenter en homme politique responsable, mais il n’abandonne pas la rue pour autant. Un cadre du M2D prévient : « Cela dépend du traitement qui sera fait de nos exigences. Mais manifester est un droit que nous comptons bien exercer dans sa plénitude. »
« En retour », le mouvement de contestation a en effet transmis un « mémorandum en dix points ». Le M2D exige notamment la « libération immédiate » de ceux qu’il considère comme des « prisonniers politiques », la « fin du complot contre Ousmane Sonko » et réclame également que soit reconnue « publiquement l’impossibilité constitutionnelle et morale » du président Macky Sall « à briguer un troisième mandat » en 2024.
Macky Sall sous pression
En face, le président Macky Sall ne veut pas montrer qu’il agit sous pression, mais plus qu’un signal, c’est une alerte sérieuse, un électrochoc.
Selon un observateur, que le chef de l’État tente le troisième mandat ou qu’il y renonce, il n’aimerait pas avoir face à lui Ousmane Sonko, ni comme seul adversaire, et encore moins comme successeur. Il est possible qu’il ouvre le jeu politique : pourquoi pas une amnistie en faveur de Khalifa Sall, l’ancien maire de Dakar et de Karim Wade, le fils de l’ancien président, afin de ne pas laisser Ousmane Sonko occuper seul le terrain ? « On n’en est pas encore là », précise un ancien ministre.