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Madagascar: inquiétude dans la filière de la pêche à la crevette

Habituellement, le début du mois de mars rime avec ouverture de la pêche à la crevette. Mais cette année, aucune date n’a encore été annoncée par le gouvernement. Un projet de réforme du secteur est sur le point d’éclore, il a été convenu que la date serait connue en même temps que la réforme serait dévoilée. Une situation d’incertitude difficile à endurer pour les grosses sociétés crevettières dont les licences et autorisations de pêche viennent toutes d’arriver à échéance. Mais aussi pour les 1600 marins de la région de Majunga, qui se retrouvent cloués à quai, sans source de revenu.

Avec notre correspondante à Antananarivo, Sarah Tétaud

Avec ses 8 000 tonnes de crevettes exportées annuellement, l’industrie crevettière fait partie des 5 secteurs d’activités les plus générateurs de devises sur l’île. Au fil des années, la filière s’est structurée pour permettre de préserver la ressource, fragile. Des organismes étatiques de contrôle ont été créés, mais ils sont aujourd’hui en perdition, du fait du manque de subvention.

Toutefois à l’instar du secteur minier, le secteur de la pêche a été déclaré secteur prioritaire dans le fameux plan présidentiel (NDLR : « Plan Emergence Madagascar », qui n’a pour l’instant jamais encore été dévoilé au public). Aussi, depuis deux ans, le ministère de la Pêche planche sur une réforme en profondeur.

« Durant 20 ans, il y a eu trop de laisser-aller dans la filière. Tout le monde a fait ce qu’il a voulu », confie une source bien informée au ministère. « Les autorisations, les licences, le nombre d’opérateurs, les appels d’offres, on revoit tout. Donc c’est une réforme difficile pour ses rédacteurs comme pour ceux qui devront la suivre », conclut-elle.

Voyant l’échéance du début de la saison de la pêche approcher, les opérateurs ont demandé des licences provisoires à leur ministère de tutelle. Une demande refusée « pour permettre à tous de repartir au même moment sur une même base ». Mais cette attente crispe beaucoup. Pour les gros acteurs de la filière, à la tête d’un lobbying intense, le fait que la date d’ouverture de la pêche, d’ordinaire choisie sur des critères biologiques, soit ainsi retardée pour coller au lancement d’une réforme est une hérésie.

« On sauve les meubles si on part en pêche le 15 », soutient un opérateur économique qui a préféré conservé son anonymat. « Mais si on part en pêche début avril, ça pourrait être tragique parce qu’on aura manqué le mois le plus productif : les crevettes auront migré ou auront été mangées par leurs prédateurs. »

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Du côté du Gepam, le groupement des entreprises de la province autonome de Majunga, on s’impatiente. Thierry Rasoanaivo, son président, explique : « Nous membres du Gepam, on attend vraiment le départ des navires en pêche. C’est un grand manque à gagner pour nous. Nous sommes prêts à discuter, quel que soit le système que l’Etat voudrait mettre en place. Nous sommes à la disposition de l’Etat pour se concerter. Mais l’impératif c’est que les bateaux partent en pêche. Et on discutera après. Cette réforme ne doit pas être un blocage pour l’activité économique de la région surtout. »

Impossible de savoir quelles seront les grandes lignes de la réforme. Peu d’informations ont filtré. Et la concertation avec toutes les parties prenantes ne semble pas avoir été au rendez-vous. « Ce qui se prépare peut être nocif pour notre secteur. On espère que les choix faits ne détruiront pas tout le système actuel », confie un autre opérateur.

La réforme serait en cours de finalisation. Des modifications ont été apportées la semaine passée en première lecture au Conseil des ministres. Beaucoup espèrent être fixés sur leur sort ce soir, mercredi 10 mars, à l’issue du Conseil des ministres, si tant est que le sujet soit retenu à l’ordre du jour.

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