Makhtar Diop vient d’être nommé directeur général de la Société financière internationale, la branche de la Banque mondiale en charge du secteur privé. Il dirigeait jusqu’à présent le poste de vice-président de la Banque mondiale pour les infrastructures.
Sa silhouette longiligne arpente les couloirs de la Banque mondiale depuis vingt ans. Au sein de l’institution, Makhtar Diop a occupé pratiquement toutes les fonctions. Directeur national, directeur régional, vice-président en charge de l’Afrique, puis en charge des infrastructures.
Ce féru de karaté, sport qu’il a pratiqué au niveau universitaire est donc aussi un champion dans l’art de grimper les échelons.
S’il est devenu l’un des grands argentiers de la planète, Makhtar Diop a pourtant connu une jeunesse estudiantine plutôt marquée à gauche, voire à l’extrême gauche, tout comme l’époque, du reste, héritière de mai 68. Le journaliste sénégalais Demba N’Diaye a connu Makhtar Diop en Normandie à la fin des années 1970. Ils militaient ensemble au sein de l’association des étudiants sénégalais de France :
« Dans les assemblées générales, il était très actif. C’était une grande gueule qui avait toujours quelque chose à dire. Même si vous n’étiez pas du même bord, vous ne pouviez pas ne pas lui reconnaitre une grande capacité d’analyse et de défendre ses points de vue. Il y avait de la pertinence dans ses idées. Et il les défendait bec et ongles. D’ailleurs pour l’arrêter, et lui arracher la parole, c’était compliqué ! »
Un chemin tout tracé
Ce fils d’avocat choisit d’étudier l’économie et poursuit ses études en Angleterre. De retour au Sénégal, il devient analyste financier, puis rejoint le FMI, pour occuper ensuite le poste de ministre de l’Économie et des finances du Sénégal en avril 2000. Un parcours assez classique au fond. Mais ce qui l’est moins, ce sont les conceptions économiques de Makhtar Diop. Comme il s’en expliquait en 2015 au Micro de Jean-Pierre Boris :
« On ne peut pas être simplement un technocrate, on est obligé de comprendre l’économie politique d’un pays, on est obligé de comprendre la culture, les conditions et les déterminants de ce qui fait bouger une société, pour pouvoir essayer de changer. L’économie est une dimension essentielle du développement d’une nation et d’une société, mais ce n’est pas le tout. »
Un profil plutôt Keynésien
« Il a été forgé dans ce volontarisme d’état qui suppose que non seulement l’État mène les réformes, mais également fasse en sorte que les investissements soient mis en œuvre. »
Moubarack Lô, est actuellement le directeur général du bureau de prospective économique du Sénégal. Dans les années 90, il a travaillé avec Makhtar Diop au ministère de l’Économie et des Finances.
« Le travaillisme anglais ou les théoriciens de la croissance endogène. Je le classerais plutôt dans cette école qui promeut le développement à travers les infrastructures, le capital humain, le développement technologie et l’innovation. Je pense que tout ceci illustre un peu la pensée de Makhtar Diop. Et c’est cela qui irrigue son action au quotidien aujourd’hui à la Banque mondiale. »
À soixante ans, celui qui figure régulièrement dans le palmarès des Africains les plus influents de la planète est devenu l’un des grands artisans des politiques publiques de développement. À la tête de la Société financière internationale, il en aura en charge de soutenir le secteur privé. Mais pour lui, l’objectif reste le même, le développement des économies émergentes.