Dans une lettre datée de 1886 et retrouvée par un historien, la souveraine de la Grande Île implore son peuple de stopper toute dégradation des forêts, car, insiste-t-elle, « c’est elle qui vous fait vivre ». Diffusée sur les réseaux sociaux, les paroles hélas visionnaires de la reine ont beaucoup secoué la Toile malgache.
Avec notre correspondante à Antananarivo, Sarah Tétaud
C’est un document ancien et pourtant plus que jamais d’actualité, qui vient de refaire surface à Madagascar. La semaine dernière, Tsiory Randriamanantena, historien et directeur du Musée de la photographie de Madagascar feuillette un ouvrage rare datant de 1940, chez un particulier. Il tombe alors sur une reproduction de cette lettre, écrite par Ranavalona III. « Je vous ai auparavant écrit concernant l’importance de la préservation de la forêt pour éviter la coupe incessante du bois ou autre dégradation », écrit la reine, alors âgée de 25 ans, dans une missive manuscrite datée de 1886.
« Ce qui m’a frappé c’est le message véhiculé : la reine fait un rappel à l’ordre aux dignitaires de la colline d’Ambohimanga, c’est-à-dire de la colline sacrée voisine d’Antananarivo. Elle les enjoint de protéger la forêt parce que c’est en protégeant la forêt que l’on préservera le royaume, rapporte-t-il. D’ailleurs, elle écrit : « Fa ny ala no mandany Madagascar ary anton’ny fivelomanareo. » C’est-à-dire, la forêt c’est elle qui nous protège et nous nourrit. Son message est quand même hyper avant-gardiste et prémonitoire. Parce qu’elle parle des conséquences sur le peuple de la disparition de la forêt. À savoir, « Mahatonga ny mosary, satria ho kely ny orana. » C’est-à-dire, la destruction de la forêt entraîne l’absence de pluie qui engendre la famine. »
Des alertes restées lettre morte
Mais cette préoccupation de sauvegarde des forêts chez les souverains Merina des Hautes Terres est encore plus ancienne. D’après les historiens, le premier témoin à avoir alerté sur le danger de la déforestation, c’est Andrianapoinimerina qui a régné à partir de 1787. « Dans les retranscriptions qu’on a retrouvées de ses kabary, c’est-à-dire de ses discours à la population, on sait qu’il interdisait la coupe des arbres dans certaines forêts et qu’il interdisait de brûler les forêts pour le défrichement. Et quiconque enfreignait cette loi était puni de la peine de mort. »
Des souverains précurseurs donc, mais qui n’ont hélas pas réussi à empêcher la déforestation quasi-totale sur les Hautes Terres. Dans la capitale et ses environs, recouverte de forêt primaire il y a 250 ans, les seuls arbres multiséculaires encore vivants sont des arbres sacrés ou préservés parce que plantés dans des propriétés privées.