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De la crédibilité des diplomates onusiens

Par leur incapacité à assumer la neutralité qu’implique leur mission, certains diplomates de haut niveau finissent par perdre, aux yeux des opposants africains, le respect et la considération que devrait inspirer leur rang.

Cette semaine, à Cotonou, le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU en Afrique de l’Ouest a vu son impartialité remise en cause par des leaders de l’opposition béninoise, qu’il rencontrait dans la perspective de la présidentielle d’avril prochain. L’intéressé a bien tenté de minimiser l’incident, en relativisant l’importance de sa mission. Mais vous, vous estimez que l’incident n’a rien de banal. Pourquoi donc ? 

Parce que c’est le genre d’incident dont nul n’a intérêt à banaliser la gravité. Pas plus le pouvoir que les opposants, et encore moins les Nations unies. Et si l’intéressé lui-même se doutait encore du halo de suspicion qui cerne parfois son action dans la sous-région, cet incident devrait sonner, en lui, comme l’ultime alerte, celle qui se déclenche, lorsque votre impartialité, sinon votre crédibilité ne tient plus qu’à un fil. Dans cette sous-région, où il est supposé être, en permanence, un médiateur neutre, c’est peut-être la première fois qu’il voit sa crédibilité aussi ouvertement questionnée par des opposants crédibles. Qui fondent leur méfiance à son égard sur les conclusions biaisées d’une de ses précédentes missions. Mohamed Ibn Chambas pense s’être sorti de cette impasse, en prétextant que sa présence à Cotonou n’est qu’une mission d’information. La routine, en somme. Mais, à deux mois d’une échéance présidentielle susceptible de générer une crise grave, l’esquisse paraît légère.

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Si ce n’est qu’une mission d’information, n’a-t-il pas le droit de le dire ?

Il en a bien évidemment le droit. Mais c’est comme si, lors d’une réunion, à la veille d’un match important, le dirigeant d’une des deux équipes faisait observer à un arbitre sa propension à faillir à son obligation de neutralité, et qu’en réponse, l’arbitre s’exclamait : « Aujourd’hui, monsieur, ce n’est qu’une prise de contact. Le match, c’est demain ! ». On lui reproche de manquer d’objectivité, et lui, s’abrite derrière l’ordre du jour, l’objet de sa mission. Une mission d’information n’anticipe-t-elle pas, justement, d’éventuelles crises ? Si les protagonistes ne vous rappellent pas, à ce moment-là, votre obligation d’impartialité, quand donc le feraient-ils ?

L’Afrique a bonne mémoire, et les opposants béninois, en s’adressant à Mohamed Ibn Chambas, ne pouvaient pas ne pas avoir en tête l’humiliante fin de mission d’un autre représentant spécial du secrétaire général de l’ONU, qui avait fini par tout perdre, à force de ne s’aligner que sur les positions du pouvoir.

Parlez-vous du diplomate algérien, désavoué au Burundi ?

Oui, de Saïd Djinnit, que les opposants burundais ont récusé, en juin 2015. À New York, l’on avait d’abord tenté de n’y voir que les sautes d’humeur d’une opposition exténuée. Mais, très vite, le Secrétaire général a dû convenir que le grand diplomate algérien était démonétisé et, dans la précipitation, il lui a trouvé un remplaçant crédible. Ban Ki-moon avait alors dû appeler à la rescousse le Sénégalais Abdoulaye Bathily, panafricaniste resté fidèle à ses idéaux. Et à la crédibilité que suppose un tel engagement.

Seriez-vous en campagne pour Bathily ?

Nullement. Mais il importe qu’à New York, l’on s’assure de ce que les représentants personnels et autres envoyés spéciaux que le Secrétaire général des Nations unies déploie en Afrique ne finissent pas par se fondre dans le paysage, comme autant de barons. Si, pendant longtemps, les dirigeants politiques africains ont éprouvé, pour l’ONU et ses représentants, une vénération telle qu’ils n’osaient ni contester leur autorité ni les affronter, plus rien ne subsiste de cette respectabilité, lorsque s’installent des baronnies tellement gênantes que les opposants en arrivent à contraindre le siège de les rappeler.

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