Selon la dernière étude d’Arab Baromètre le sentiment religieux recule dans tout le monde arabe. Réalisé auprès de 25 000 personnes dans dix pays du monde arabe, ce sondage montre que la part de la population se présentant comme non-religieuse dépasse même les 45% chez les 18-29 ans en Tunisie. Cela serait une conséquence de la Constitution de 2014.
Avec notre correspondant à Tunis, Michel Picard
La Constitution de 2014 garantit la liberté de conscience, et aurait favorisé l’émergence d’une liberté vis-à-vis de la religion. Soit un signe d’avancée démocratique, selon Abderrazak Sayadi, professeur de religion et civilisation comparées :
« Je vois là une maturité démocratique. Les jeunes osent aujourd’hui braver le tabou religieux et dire « bah non, moi je ne suis pas religieux, je ne pratique pas », ou « je suis athée ». D’ailleurs on est le seul pays arabe à autoriser une association qui milite clairement pour l’athéisme. Ça, ça n’existe pas dans les autres pays musulmans. »
La révolution fut un catalyseur d’ouverture, selon Healkikka. « Oui, ça a donné une certaine liberté d’expression, d’opinion ». « Vous par exemple, vous vous dites religieuse ? » « Non, pas vraiment, je me dis spirituelle », répond l’étudiante.
Même pour les jeunes pratiquants, la possibilité de se décrire croyant ou non confirme une ouverture selon Aziz. « Moi je suis religieux, je suis musulman, affirme le jeune de 19 ans. Oui c’est une forme de liberté parce que même si la Tunisie est un pays musulman, tout le monde peut croire en ce qu’il veut. »
L’arrivée sur la scène politique de partis se revendiquant de l’islam a accéléré le désintérêt religieux, selon Abderrazak Sayadi. « Je pense qu’aujourd’hui, les jeunes qui ont cru à un certain moment que les partis religieux étaient plus propres ou plus pieux, les ont vu à l’œuvre : ils n’étaient pas si différents des autres partis, affirme l’universitaire. Ça a entraîné un vrai rejet profond des jeunes et du coup, à l’égard de la pratique religieuse et de la religion elle-même. »