Site icon LE JOURNAL.AFRICA

L’heure du bilan pour Kheireddine Zetchi, à la tête de la Fédération algérienne de football

En mars prochain, la Fédération algérienne de football (FAF) élira son prochain président. Kheireddine Zetchi pourrait se représenter si les élections ne sont pas décalées car la FAF doit faire voter de nouveaux status pour être en conformité avec la Fédération internationale de football (FIFA).

Mars 2017. Contre toute attente, Kheireddine Zetchi, président-fondateur du club Paradou AC, succède au très contesté Mohamed Raouraoua, que l’on pensait indélogeable. Entrepreneur, leader sur le marché national de la céramique, Zetchi s’est fait un nom dans le monde du ballon rond en Algérie. Notamment grâce aux nombreux talents passés par le Paradou, parmi lesquels Ramy Bensebaïni ou encore Youcef Atal.

Des finances au beau fixe

À quelques semaines de la future élection pour le poste de président de la FAF, l’heure du bilan a sonné pour Kheireddine Zetchi. Certains observateurs du football algérien pointeront un exercice réussi avec en point d’orgue le titre de champion d’Afrique acquis en 2019 en Égypte sous la houlette du charismatique Djamel Belmadi, vingt-neuf ans après le premier sacre obtenu à Alger. Un sélectionneur choisi par Zetchi que l’Algérie n’attendait plus après les loupés des CAN 2015 et 2017, alors que les Fennecs avaient brillé au Mondial 2014 au Brésil en se hissant en huitième de finale. Historique. Mais d’autres n’oublieront pas de pointer du doigt la non qualification des Verts pour le Mondial  2018 en Russie.

Autre point positif, comme son prédécesseur, Kheireddine Zetchi a assuré du côté des finances. L’instance se porte bien, les caisses sont pleines. Cerise sur le gâteau, la qualification de l’Algérie pour la prochaine CAN U17 est une belle victoire puisque le pays a rarement été représenté dans cette compétition.

Si à son époque Raouraoua avait fait construire le centre technique de Sidi Moussa, Zetchi s’est lui, lancé dans le chantier de quatre académies à travers le pays. Deux centres ont déjà vu le jour : à Khemis Meliana et Sidi Bel Abbèss. Les travaux ont débuté à Tlemcen. Ce qui fait dire à certains que  Zetchi ne s’intéresse qu’au football national, alors que le football professionnel est laissé de côté, avec notamment des clubs très endettés.

« Zetchi ne fait rien pour améliorer la situation du foot local, parce qu’il est obsédé par la sélection. Quant à la Ligue de football professionnel (LFP), elle est soumise à la fédération. Comment lui accorder le moindre crédit ? », déclare Chérif Mellal, le président de la JS Kabylie, dans les colonnes de Jeune Afrique. Selon l’ancien international et sélectionneur Ali Fergani, «  Zetchi a attendu plus de deux ans pour agir. Il a créé une Direction de contrôle de gestion et de finances (DCGF). » Les clubs sont désormais interdits de dépenser plus que ce qu’il y a dans les caisses. Il est impossible de recruter si le club a des dettes envers les joueurs de l’équipe.

Inéligible au Conseil de la Fédération internationale de football

Le championnat algérien est gangréné par la corruption. En mai dernier, une enquête sur une affaire de matches truqués avait secoué le monde du football algérien. Fahd Halfaia, directeur général de l’ES Sétif et un agent de joueurs, Nassim Saâdaoui, avaient été écroués après avoir été inculpés par un juge d’instruction d’un tribunal d’Alger. Depuis, selon un confrère, l’affaire a été étouffée.

« Le nettoyage du football est l’une des priorités de la direction actuelle », avait pourtant déclaré Zetchi à la BBC. « Je réitère l’engagement et la volonté de l’instance fédérale à mettre tous les moyens pour lutter contre toutes les formes de corruption, un fléau qui affecte, malheureusement, le football national », disait-il dans une vidéo sur le site internet de la fédération. Aujourd’hui, face à ce sujet très sensible, le dossier a toujours autant de mal à avancer.

L’épine dans le pied qui pourrait coûter cher Kheireddine Zetchi face à ses adversaires est principalement la non possibilité de se présenter au Conseil de la Fédération internationale de football (FIFA). Son dossier de candidature a été officiellement rejeté et a même mis mal à l’aise les autorités algériennes qui l’avaient soutenu. Début février,le ministre de la Jeunesse et des Sports a demandé par courrier des explications à la FAF. Pour  la commission de candidature de la FIFA, Kheireddine Zetchi est inéligible pour deux antécédents disciplinaires.

En 2016, lorsqu’il était président du Paradou AC, il avait alors écopé de trois mois de suspension suite à ses déclarations jugées offensantes à l’égard du président de la Ligue de football professionnel (LFP) de l’époque, Mahfoud Kerbadj et de l’arbitrage algérien. En Algérie, il se murmure que Mahfoud Kerbadj, candidat empêché de se représenter à la LFP par Zetchi, se serait vengé en ressortant ce dossier et en l’envoyant lui-même à la FIFA. Autre grief, évoqué par la FIFA, la suspension que lui a infligé la Confédération africaine de football (CAF) en 2018. Cette mesure a été prise à son encontre suite à son retrait de la commission du CHAN.

Kheireddine Zetchi avait pris cette décision en guise de protestation contre le rejet de la candidature de Bachir Ould Zmirli au bureau exécutif de la CAF. Zetchi a fait appel de la décision de la FIFA devant le Tribunal arbitral du sport.

Proche de Gianni Infantino

À 55 ans, Zetchi a l’ambition de devenir la deuxième personnalité sportive algérienne à intégrer le Conseil de la Fifa après l’ancien président de la FAF Mohamed Raouraoua. Même s’il est apprécié par le président de la FIFA, Gianni Infantino, Zetchi ne pèse pas sur le continent et le poste vacant est promis au très influent Marocain Fouzi Lekjaa, membre du Comité exécutif de la CAF. Ou encore à l’Égyptien Abo Rida. Le vote pour ces places au Conseil de la FIFA aura lieu lors de l’assemblée générale élective de la CAF le 12 mars 2021 à Rabat au Maroc.

Zetchi s’est souvent attaqué à la gestion de la CAF, et certains pensent que les bonnes relations qu’il entretient avec Infantino sont derrière ses propos. Comme Infantino, Zetchi a largement adhéré à l’idée d’organiser la CAN tous les quatre ans. Sauf que Gianni Infantino, qui ne pourra jamais se passer des 54 voix africaines, ne peut pas se permettre de miser sur le mauvais cheval. Zetchi n’a pas vraiment réussi à tisser sa toile sur le continent lors de son premier mandat. Aucun candidat algérien n’est entré au Comité exécutif de la CAF, lui n’en a jamais émis l’intention.

Invité au Qatar par Infantino pour suivre la Coupe du monde, Zetchi a créé une nouvelle polémique en Algérie en n’assistant pas à la finale du CHAN au Cameroun alors que grâce à lui, l’Algérie reprend le flambeau en organisant la prochaine édition. Zetchi, qui occupe le poste de membre du comité d’organisation du tournoi, avait fait le déplacement à Yaoundé pour l’ouverture de la compétition. « À chaque faux pas, le clan Raouraoua est à la manœuvre pour le déstabiliser », indique un de nos confrères algériens.

En Algérie, les instances officielles ne facilitent pas vraiment la tâche à Zetchi. Aujourd’hui, la FIFA exige une réécriture des statuts de la Fédération algérienne de football pour être en conformité avec l’insistance mondiale du football. Et le dossier envoyé depuis un moment est actuellement en souffrance sur le bureau du ministère des Sports. Et si les choses n’avancent pas, avec ou sans Kheireddine Zetchi, la prochaine élection pourrait bien être décalée ou invalidée par la FIFA.

Quitter la version mobile