Le président Touadéra a été déclaré réélu lundi 4 janvier au premier tour par l’Autorité nationale en charge des élections, avec 53,92% des suffrages exprimés, devant l’opposant Anicet Georges Dologuélé crédité de 21,01% des voix et Martin Ziguélé avec 7,46%. Mais l’opposition annonce déjà qu’elle saisira la Cour constitutionnelle. Elle dénonce le manque de «transparence» et d’ «équité» de ces élections dont la moitié de l’électorat centrafricain a été privé, en raison d’une nouvelle offensive rebelle en cours dans le pays.
Avec notre envoyée spéciale à Bangui, Florence Morice
Le taux de participation officiel annoncé lundi soir s’élève à 76,31% mais dans son calcul, l’autorité en charge des élections l’ANE, n’a tenu compte que des électeurs inscrits dans les bureaux de vote où le scrutin a pu se tenir : 910 000 sur un total de 1,8 million d’inscrits, soit environ la moitié de l’électorat du pays. Ailleurs, soit « le scrutin n’a pas pu avoir lieu, soit les bulletins de vote ont été détruits », explique Théophile Momokoama, le rapporteur général de l’ANE.
« Ce n’est pas de notre fait mais du fait de ceux qui ne voulaient pas que l’élection se tienne » réagissait lundi soir le directeur de campagne du président sortant, précisant néanmoins : « Les élections se sont tenues, le peuple en a décidé ainsi. On aurait aimé avoir plus. Je suis convaincu que si nous avions laissé le champ libre à la population de pouvoir s’exprimer librement, le score serait mieux que ce que nous avons engrangé. »
L’opposition annonce une saisine de la Cour constitutionnelle
Mais l’opposition annonce d’ores et déjà qu’elle saisira la Cour constitutionnelle notamment sur ce point. Lundi matin, dans un courrier adressé à l’ANE, 9 candidats de l’opposition ont dénoncé le manque d’ « équité » de ces élections, mais aussi de « transparence » lors du dépouillement et de la compilation des résultats, des « bourrages d’urnes », un recours « massif » au vote par dérogation, ou encore la difficulté pour leurs représentants d’obtenir un exemplaire des feuilles de résultat le soir du vote.
« Le code électoral centrafricain stipule qu’à l’issue du scrutin, on affiche les résultats sur les lieux de vote pour que toute personne puisse y avoir accès et on donne aux représentants des candidats un procès-verbal, pointe le candidat Martin Ziguélé, qui a obtenu 7,46% des suffrages. Ça permet au candidat d’être sûr de ce qui s’est passé. Nous n’avons pas eu de procès-verbaux. C’est une situation complètement inédite ! Comment peut-on contester, approuver ou commenter quelque chose dont on ignore tout en réalité ? Les chiffres sont partis des bureaux de vote à l’ANE et on nous dit : « voilà les résultats, c’est tout ». Ce n’est pas du tout transparent. C’est une forfaiture. Nous ne pouvons pas accepter cela. »
Arrivé deuxième de ce scrutin avec 21,01% des suffrages, l’ex-Premier ministre Anicet Georges Dologuélé conteste également les résultats et entend déposer des recours. Il dénonce une « véritable farce » : « II y a un certain nombre d’incohérences grossières sur le fait que le calcul dépasse les 100% de voix. Et puis on annonce un taux de participation de 76,31% alors que le véritable taux de participation est de 37,40%. Donc vous voyez que nos amis [de l’ANE] n’avaient vraiment pas leurs esprits tellement on leur a mis la pression pour trouver un chiffre pour que Touadéra soit réélu au premier tour. »
Le code électoral centrafricain ne prévoit pas de seuil minimum de votants pour valider une élection. Il prévoit en revanche que la Cour constitutionnelle a le pouvoir de « redresser les résultats provisoires » du scrutin, « si l’impact des irrégularités constatées peut être déterminé ».
L’opposition dispose de 3 jours à compter de l’annonce des résultats provisoires pour saisir la Cour constitutionnelle, qui a de son côté jusqu’au 19 janvier pour les examiner et proclamer les résultats définitifs.