Cette mesure avait été prise en 1993 pour punir le Soudan d’avoir hébergé Oussama Ben Laden et plusieurs militants d’al-Qaïda. Khartoum était accusé de complicité de certaines opérations terroristes. Avec cette décision, c’est la fin d’une longue attente pour les Soudanais.
Avec notre correspondant régional à Nairobi, Sébastien Nemeth
Cela faisait 27 ans que le Soudan était sur cette liste. Une sanction qui coupait le pays d’une partie du système financier international alors que son économie est en crise. La donne a changé avec la chute de la dictature d’Omar el-Béchir. Le nouveau pouvoir a élevé au rang de priorité le retrait de cette liste. Il a donné des gages de bonne volonté. Washington et Khartoum se sont rapprochés.
Puis tout s’est accéléré lorsque le 19 octobre, Donald Trump a annoncé qu’il comptait bien retirer le Soudan de la liste, en échange de compensations aux victimes des attentats de 1998 contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie, ainsi que l’attaque contre le navire USS Cole en 2000. Et Khartoum l’a fait. Le gouvernement a versé 335 millions de dollars.
Le 26 octobre, le président américain a donc envoyé la demande de retrait au Congrès qui avait 45 jours pour faire part d’objections. Ça n’est pas arrivé, donc Mike Pompeo, le secrétaire d’État, a signé le document entérinant la levée de cette sanction.
Un retour économique et politique
Désormais, le Soudan espère sortir la tête de l’eau au niveau économique. Le pays subit une très grave crise, avec des pénuries d’essence, de denrées alimentaires, une inflation galopante. Or cette sanction empêchait le Soudan d’obtenir des prêts des institutions internationales ou encore un allègement de sa dette extérieure qui s’élève a plus de 60 milliards de dollars.
Tout cela va changer. Le Soudan va revenir sur la scène internationale, d’un point de vue économique, mais aussi politique. Avec peut-être la fin d’un statut de paria. Le Premier ministre soudanais a d’ailleurs expliqué qu’après « trois décennies d’isolement, le Soudan rejoignait officiellement la communauté internationale. » Abdalla Hamdok a évoqué de nouvelles possibilités pour « réformer l’économie, attirer des investissements, créer des opportunités notamment pour les jeunes », etc.
Cette levée de sanction va aussi entraîner un rapprochement avec Israël. C’était une autre condition américaine : que le Soudan reconnaisse à son tour l’État hébreux. Ce que le Soudan avait accepté, ajoutant quand même qu’il ne le ferait pas tant qu’il n’était pas définitivement retiré de la liste. On pourrait donc se diriger vers un accord formel signé par les Soudanais et les Israéliens entérinant la normalisation de leurs relations.
L’inflation reste un problème majeur
Pour autant, cette annonce ne va pas régler tous les problèmes du Soudan, car il faut encore régler la question de l’immunité souveraine du pays, c’est-à-dire empêcher que quelqu’un entame de nouvelles poursuites judiciaires contre Khartoum pour son passé terroriste. C’est ce que les familles des victimes des attentats du 11 septembre 2001 aimeraient faire, même si le rôle du Soudan dans ces attaques n’a jamais été prouvé. Or Khartoum veut absolument récupérer son immunité. Il a même mis les 335 millions de dollars de compensation sur un compte bloqué. Et l’argent ne sera distribué que si le pays récupère son immunité.
Et puis il y a l’économie soudanaise. Selon le chercheur Jean-Baptiste Galopin, le retrait devrait permettre au Soudan de capter les fonds perdus dans le secteur informel et ainsi stabiliser sa monnaie. En revanche, les risques monétaires, la corruption et l’incertitude politique de la transition vont continuer à refroidir les investisseurs qui sont indispensables à la reprise économique. Sans compter l’inflation qui est le plus gros obstacle actuel.