Dans la capitale malgache, les soupes populaires attirent chaque jour un peu plus de monde. Entre les conséquences économiques de la crise sanitaire et l’appauvrissement généralisé du pays, le nombre de personnes dans le besoin n’a jamais été si élevé, expliquent les associations.
De notre correspondante à Antananarivo,
16 h. Dans la salle de réanimation de l’hôpital mère-enfant de Tsaralalana, Caroline, bénévole de l’association Akama, annonce aux mamans qui le souhaitent que commence la distribution quotidienne de repas chauds et gratuits.
Alors, Bodo s’approche, sa petite-fille dans les bras. L’enfant souffre de convulsions et de malnutrition. Elle a 2 ans et ne pèse que 5 kilos. « Ici, il y a des familles qui n’ont vraiment pas de quoi se nourrir, raconte-t-elle. Donc cette soupe, ça nous aide énormément parce que beaucoup d’entre nous sont en grande difficulté. »
La distribution se poursuit à l’extérieur, sur le trottoir devant l’hôpital. Garde-malades, gardiens, sans-abris… la file s’allonge pour pouvoir manger la soupe aux pâtes, au poisson frais, aux œufs et aux brèdes que les cuisiniers du restaurant de Caroline ont préparée il y a une heure : « C’est des enfants de la rue, des enfants des poubelles, des enfants du quartier. Tous les jours, il y a 100 personnes ».
« Les enfants de la rue, ils n’ont pas le choix d’être là »
Du côté d’Isotry, un quartier très populaire, 7 jours sur 7, à 18 h, c’est Minah, la gargotière, qui gère la distribution. « Maintenant, on donne à 305 bénéficiaires par jour. C’est de pire en pire. Il y a de plus en plus de gens, d’enfants, de mères et de pères dans la rue, décrit-elle. C’est dû au manque d’emploi à Mada. Et la politique nationale mise en place depuis mars de fermeture des frontières et la politique de la mairie qui fait en sorte d’éloigner les plus pauvres du centre-ville, donc ça n’arrange pas vraiment les choses, à Antananarivo surtout. » D’après les chiffres de la Banque Mondiale de 2018, sur la Grande Île, 90 % de la population vit avec moins de 2 dollars par jour.
Ces gens de la rue, Minah les regarde droit dans les yeux. Avec beaucoup d’empathie et de compréhension. Il y a 7 ans, elle aussi vivait sur le trottoir, avec sa fille. « Les enfants de la rue, ils n’ont pas le choix d’être là » explique-t-elle. Pour cette héroïne de l’ombre, « c’est l’amour qui manque à notre pays en ce moment. On n’a plus d’amour pour les autres. Les politiques publiques aujourd’hui, elles incitent les gens à être plus égoïstes dans notre société actuelle. »
Du haut de ses 7 ans, ce petit garçon ordonne aux autres enfants de se mettre en file indienne calmement devant la marmite fumante. Comme lui, comme pour des centaines d’autres, ce sera l’unique repas consistant de la journée.