Le Soudan, qui a ouvert ses portes aux réfugiés, a également fortement militarisé sa zone frontalière pour se prémunir de tout débordement sur son territoire. L’armée soudanaise a d’ailleurs annoncé avoir arrêté un chef d’une milice tigréenne accompagné d’une douzaine de soldats.
Avec notre correspondant à Khartoum, Eliott Brachet et à Addis-Abeba, Noé Hochet Bodin
Le Soudan assure coopérer officiellement avec l’Éthiopie pour éviter que son territoire devienne une base arrière pour des combattants tigréens. Un responsable éthiopien affirme que l’armée soudanaise pourrait même aider l’Éthiopie à déterminer si des militants du TPLF franchissaient la frontière et étaient présents dans les camps de réfugiés au Soudan.
Depuis les années 80, les États soudanais de Kassala et de Gedarif, aux confins de l’Érythrée et de l’Éthiopie, sont des hauts lieux de contrebande et de trafics. Dimanche, des soldats soudanais ont d’ailleurs saisi tout un arsenal de guerre à Kassala : des mortiers, des fusils d’assaut et des munitions qui prenaient la route du Tigré.
Il faut comprendre que pour le TPLF, pris en tenaille au nord par l’Érythrée et au sud par l’armée fédérale, cette zone frontalière poreuse à l’est du Soudan représente la seule source d’approvisionnement possible.
Il faut également rappeler qu’une partie de ce territoire, appelé le triangle d’el-Fashaga, est toujours disputée entre l’Éthiopie et le Soudan. Pour certains experts, Khartoum pourrait tirer son épingle du jeu dans ce conflit et tenter de faire pression sur Addis Abeba afin de rétablir sa souveraineté sur cette zone contestée.
Pendant ce temps, l’agence de l’ONU pour les réfugiés a dénombré plus de 46 000 réfugiés tigréens sur le territoire soudanais.
Une élue tigréenne aux arrêts ?
Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed met en garde les dirigeants de la région dissidente du Tigré, en fuite après la prise de leur capitale Mekele. Par ailleurs, le gouvernement éthiopien prétend avoir fait sa première prise de guerre, avec l’arrestation d’une députée tigréenne.
Keria Ibrahim, 47 ans, est membre du bureau politique du TPLF. Elle représentait jusqu’à récemment le parti tigréen sur la scène nationale, en étant députée mais surtout présidente du Conseil de la fédération, l’une des deux chambres du Parlement.
Un poste qu’elle avait d’ailleurs quitté en juin avec fracas, pour s’opposer au report des élections par Abiy Ahmed.
On ne connaît pas les détails de son arrestation. S’est-elle rendue comme le prétend le gouvernement ou a-t-elle été capturée ? Etait-elle dans la ville de Mekele ou dans les campagnes tigréennes dans lesquelles ont fui les autres leaders du TPLF pour continuer de se battre ?
Encore une fois, beaucoup de questions et peu de certitudes, la province est coupée du monde depuis presque un mois. Alors reste à savoir si cette arrestation est bien confirmée. Si oui, Abiy Ahmed marquerait un point précieux dans la chasse qu’il mène contre les dirigeants du TPLF.
Le TPLF se dit confiant pour la suite et se sent capable de reprendre le contrôle de la province, promet son président. Il assure continuer à combattre depuis les zones rurales, proche de Mekele la capitale provinciale.