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La centrale hydroélectrique, une solution pour l’électrification rurale à Madagascar?

Près de 18 millions de ruraux vivent sans accès à l’électricité sur la Grande île. De plus en plus d’opérateurs privés, en partenariat avec des bailleurs, décident de se lancer dans le secteur de l’énergie et plus particulièrement de l’électrification rurale. C’est le cas à 200 km à l’ouest de la capitale, bien loin des routes nationales, où deux petits villages ont vu leur quotidien changer du jour au lendemain quand une mini-centrale hydroélectrique construite au bord de leur rivière a commencé à produire les premiers kilowatts. L’arrivée de la fée électricité a donné un élan entrepreneurial. Décortiqueurs de riz, coiffeur et même glacier ont ouvert leurs portes. Une révolution pour ces localités perdues dans les montagnes de l’Itasy et une hausse substantielle de revenus pour une partie de leurs habitants. Reportage dans la commune de Sarobaratra.

« Ça c’est mon dépailleur de pousses, mon polisseur 11.5, là, le poste à soudure, ici, la meule … Oui, tout ça c’est à moi ! »

Toutes ses machines, Feno en est très fier. A l’arrivée de l’électricité dans le village, il n’a pas hésité à demander le raccordement. 75€ d’installation à ses frais, une petite fortune dans un pays où le salaire mensuel minimum est de 62€. Un investissement qu’il compte bien rentabiliser.

« Avant, pour décortiquer une tone de riz avec le groupe électrogène au diesel, je dépensais 24 000 ariarys (6€). Et maintenant, je ne dépense plus que 18 000 ariarys (4,5€). »

A l’instar du crédit téléphonique, le système fonctionne en prépaiement. Les bénéficiaires achètent leur électricité via des cartes à gratter dans les épiceries des villages ou via Mobile money. Njaka, le meunier, a lui aussi sauté le pas :

« Avant, il fallait marcher une demi-journée pour apporter le riz à moudre chez mon sous-traitant. Maintenant, je le fais dans ma cour. Je fais plus de marge et je gagne du temps. »

Tout ceci, c’est grâce à la Kotombolo, la rivière qui a été domptée par les ingénieurs hydrauliques. En contre-bas du barrage, dans la centrale d’Andriamamovoka construite en aout 2019, les turbines « made in Madagascar » tournent dans un vacarme assourdissant sous l’œil bienveillant de Hasina Raparison, le responsable des lieux :

« Cette centrale a été construite pour produire 100kw. Aujourd’hui, on a 300 abonnés. Pour eux, la centrale ne fonctionne qu’à 35% de sa capacité. »

Autrement dit, si le réseau est étendu, la centrale pourra encore alimenter d’autres villages. Et c’est bien l’objectif de WeLight, la société exploitante, dont la rentabilité dépendra du nombre de bénéficiaires…

Les tarifs, eux, ont été plafonnés par un organisme d’État pour éviter la vente d’énergie à prix prohibitif. Malgré ce garde-fou, Nils Bourquin, le responsable des programmes d’électrification rurale sur l’île au sein du Centre Écologique Albert Schweitzer, admet que cette énergie reste chère pour la plupart des ménages mais relativise :

« Néanmoins, les études et notre expérience montrent clairement que l’utilisation de l’électricité à ces tarifs-là reste bien moins chère que l’utilisation de lampes à pétrole ou de bougie pour l’éclairage. Cela reste donc vraiment avantageux pour les gens. »

La politique nationale d’électrification rurale mise sur la duplication de ce genre de centrales, moins chères, moins polluantes et plus durables sur le long terme que les centrales solaires. Toutefois, leurs constructions restent dépendantes d’un facteur clé : la participation des bailleurs qui subventionnent généralement ces projets à hauteur de 75 %.

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