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Madagascar: la tension monte à Tamatave, entre pandémie et grogne sociale

A Tamatave, la grogne sociale s’est étendue cette semaine à la population de certains quartiers de la deuxième ville et capitale économique du pays. Plus gros foyer d’épidémie de coronavirus de l’île, la cité portuaire a vécu une après-midi d’émeutes, mercredi. Des affrontements entre forces de l’ordre et habitants ont éclaté après que les premiers ont passé à tabac un homme qui refusait de respecter le confinement. Depuis, la situation reste électrique.

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« Ce que les gens craignent le plus maintenant à Tamatave, c’est la crise sociale, la crise économique. Ils la craignent même plus que la pandémie. » Pour Georges Geeraerts, habitant de Tamatave et entrepreneur de la région, le confinement à partir de 13h est une aberration. « Que l’on ferme les écoles c’est une chose, mais il faut laisser les opérateurs travailler, toutes ces petites gens qui sont dans l’informel vaquer à leurs occupations parce qu’on n’a de toute façon pas d’alternative. L’Etat n’est pas là pour les aider. Les quelques aides qui ont été données, c’est rien du tout ! »

Sur place, beaucoup estiment que la suspension d’exploitation récente pour cause de pandémie d’Ambatovy, la plus grosse compagnie minière de la région qui fait vivre plusieurs milliers de ménages, risque d’avoir des répercussions sur le tissu économique de la ville. Ses nombreux prestataires sont en train de lui emboîter le pas. Des milliers de salariés pourraient être au chômage partiel ou total.

Le député de Tamatave et ancien maire de la ville Roland Ratsiraka est le premier homme politique à avoir martelé que le confinement n’était pas une stratégie adaptée à Madagascar pour faire face à la crise sanitaire. Depuis, il n’a de cesse de réclamer en urgence le déconfinement, pour éviter que « sa ville, son île, ne sombrent dans le marasme économique ».

« Le résultat de notre « confinement à la malgache » [Ndlr: autorisation d’être sur la voie publique de 5h à 13h], là, c’est quoi ?! C’est qu’aujourd’hui on est presque à 1 000 cas. Ce système, ça multiplie le nombre de cas positifs, ça multiplie le nombre de cas graves, ça multiplie les problèmes sociaux et économiques. Résultat : les gens sont de plus en plus dans la pauvreté. Et on voudrait nous faire endosser, à nous, Tamataviens, la responsabilité de l’expansion de l’épidémie ?! Ici, on a déjà l’explosion sanitaire, et tous les jours on risque l’explosion sociale. Lorsque vous dites aux gens « lavez-vous les mains », on n’est pas en France ou à l’île Maurice là ! La majorité de la population de Tana et de Tamatave n’a pas accès à l’eau courante. Elle est obligée de sortir faire la queue pour accéder à l’eau. Lorsque vous dites « lavez-vous les mains », il faut du savon non ? Comment pouvez-vous vous procurer du savon sans travailler ? Qui peut m’expliquer ça ? ! »

Au président de la République qui avait qualifié la semaine passée la population de Tamatave « d’indisciplinée », il rétorque avec virulence : « Ici, on applique exactement les mêmes mesures qu’à Tana. Sauf qu’à Tana, il y a peut-être eu un peu de riposte contre la maladie. Ici, la riposte, elle est contre la population, contre les médecins qui n’acceptent pas le Covid-Organics, la riposte elle est contre ceux qui osent parler. Nos médecins, ils sont traumatisés. Nulle part dans le monde, on a une gestion de crise où on arrête les médecins, où on leur fait peur et où on les menace. Ça n’existe que chez nous ! Le gouvernement se trompe de combat. C’est la population de Tamatave qui devient l’ennemie, et c’est pour ça qu’on nous a envoyé des véhicules blindés. Ils ne sont pas venus faire une riposte au covid-19. Ils sont venus mater une population qui est déjà en difficulté. Pour dire « ne sortez pas de chez vous » ». 

« Tout est politisé. On en est arrivé à mélanger la santé avec la politique », déplore-t-il enfin. Le député vient d’interpeller l’Etat pour réclamer plus de transparence et la vérité sur le nombre réels de morts causés par l’épidémie. 
Au même moment, à Tamatave, on annonce que le démarrage des essais cliniques du traitement par injection promu par le président serait imminent.

Mais le nombre de contaminations ne cesse de croître. Et le déploiement des 500 éléments des forces de l’ordre fraîchement débarqués d’Antananarivo pour venir en renfort a été perçu comme une provocation pour des Tamataviens, en attente, a contrario, d’aides financières et alimentaires de l’Etat.

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